«Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend !»
Alexandre Marius Jacob est mort le 28 août 1954, il y a 65 ans jour pour jour.
C’est l’un des plus grands voleurs de l’histoire et une figure révolutionnaire méconnue : celle d’un anarchiste cambrioleur. Il aura traversé une vie hors norme, connu misère et fortune, fait la Une de tous les journaux de son temps, connu l’oubli et le bagne.
Fils du peuple, enfant pauvre et révolté né en 1879 à Marseille, il sillonne le monde en tant que mousse, avant d’être envoyé en prison après avoir été dénoncé par un agent infiltré. Il n’a que 17 ans. Empêché de travailler, fiché, il décide de devenir «travailleur de la nuit» : un cambrioleur, qui ne volera que les riches. Véritable gentleman cambrioleur et libertaire, il commet avec sa bande plusieurs centaines de vols, uniquement chez les ennemis du peuple : églises, magistrats et autres exploiteurs. Ils ne volent ni les pauvres, ni les métiers considérés comme «utiles». Ils ne frappent que les «parasites de la société». Son équipe, «Les Travailleurs de la Nuit», ira jusqu’à revendiquer ses coups d’éclat en laissant des petits mots ironiques et dénonciateurs sur les lieux des larcins.
Un jour, Alexandre Marius Jacob se rend compte qu’il a cambriolé par erreur l’appartement de l’écrivain Pierre Loti. Il remet tout en place et laisse un mot : «Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume. Tout travail mérite salaire» et laisse dix francs pour la vitre brisée. Chaque membre du groupe doit reverser 10% de son butin à la cause révolutionnaire.
C’est Alexandre Marius Jacob qui inspirera probablement, au moins en partie, le personnage d’Arsène Lupin.
Les anarchistes de la Belle Époque sont à la pointe de l’innovation et de l’ingéniosité : la célèbre «bande à Bonnot» commet les premiers braquages motorisés, Auguste Vaillant est le seul à avoir réussi à faire sauter une bombe à l’Assemblée Nationale, et Alexandre Jacob et ses amis sont des experts reconnus des vols en tous genre.
La règle des «Travailleurs de la nuit» est de ne pas utiliser la violence, mais ils laisseront quelques policiers trop zélés sur le carreau pour éviter d’être arrêtés. Interpellé en 1906, Alexandre Marius Jacob continue à défier les puissants jusqu’au sein du tribunal. Il se moque des juges, se défend, fait rire les témoins, désobéit. Mais il est condamné à la déportation à perpétuité, au bagne de Cayenne. Les conditions y sont extrêmement dures et l’espérance de vie de quelques années seulement. Il tente de s’évader dix-huit fois et tient tête à l’administration qui veut le briser en l’isolant dans des cellules épouvantables.
Il sort en 1928, très affaibli, après plus de 20 ans de bagne. Il tente de résister au fascisme pendant la guerre d’Espagne, mais la situation est désespérée. Alexandre Jacob part alors vieillir dans un village de l’Indre, presque oublié, mais entouré d’amis. Il décide de mettre fin à ses jours après la mort de sa femme. La veille de son départ, il offre un goûter aux enfants pauvres du village, ultime cadeau d’un homme à la générosité sans limite. Avant de s’injecter une dose mortelle de morphine, le 28 août 1954, il pense à laisser deux bouteilles de rosé pour ses amis qui viendront s’occuper de sa dépouille.
Sur un petit mot : «À votre santé !» Mort à 74 ans, il aura traversé son existence en homme libre et révolté, malgré les enfermements et les répressions.
Une de ses formules, restée célèbre, est toujours d’actualité :
« Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend ! »
Bibliographie :
ANARCHISTE :
ALEXANDRE MARIUS JACOB
1879-1954
Thèse de Doctorat en Histoire contemporaine de Jean-Marc DelpechTélécharger