Affaire du 8 décembre : parodie de justice et mise en scène « anti-terroriste »


Les prévenus lourdement condamnés à l’issue d’un procès aussi absurde qu’injuste


C’est une décision de justice extrêmement grave, à la fois pour les personnes condamnées mais aussi pour tout le mouvement social qui, demain, pourra être qualifié de «terroriste».

Le 8 décembre 2020, un énorme coup de filet mobilise des centaines de policiers dans toute la France. Nous sommes alors en plein mouvement social contre la loi de sécurité globale, des centaines de milliers de personnes descendent dans la rue le jour même contre cette loi liberticide.

Deux jours plus tôt, Macron avait appelé à «casser les black blocs». La vague d’interpellations contre des militant-es présenté-es dans les médias comme étant «d’ultra-gauche» tombe à point nommé pour l’agenda médiatique. Il faut mettre en récit la «menace» que constituent les luttes sociales.

Ce jour-là, neuf arrestations sont orchestrées dans plusieurs villes de France. Les personnes inculpées sont présentées par les autorités comme «préparant des actions violentes». Après des gardes à vue antiterroristes de quatre jours dans des cellules totalement isolées, au sous-sol des services spéciaux, sept personnes sont poursuivies et cinq sont placées en détention préventive.

Le principal accusé reste 16 mois en isolement total. Une méthode de torture. Une autre y est placée pendant des mois et subit des fouilles à nu à chaque visite. Une méthode destinée à la briser mentalement et à l’humilier. Il faudra une grève de la faim, qui poussera Florian D., le dernier détenu, aux frontières de la mort, pour obtenir sa sortie sous condition, en attendant le procès.

À l’issue d’une enquête gigantesque, d’une surveillance vertigineuse de toute la vie de nombreuses personnes et de détentions arbitraires inhumaines, le procès avait lieu tout le mois d’octobre. Une parodie de justice : le dossier, vide, ne reposait que sur des suppositions et des présomptions d’intention. Pour prouver le «terrorisme» des suspects, les enquêteurs ont par exemple mis en avant le fait qu’ils utilisaient la messagerie sécurisée Signal, ou sorti des montages politiques humoristiques contenus dans leurs téléphones. Avec ce genre d’éléments, il doit y avoir un paquet de terroristes en France.

Seul «élément» sérieux : la fabrication d’un gros pétard artisanal dans un jardin, durant le confinement en 2020, par une partie des accusé-es. Mais aucun «projet terroriste», aucune «cible», aucun passage à l’acte. Rien.

La preuve, même la justice qualifie ce dossier comme «l’affaire du 8 décembre», la date des arrestations, puisqu’il n’y a ni acte, ni lieu pour la désigner autrement.

Mais cette construction grossière a suffi au tribunal correctionnel de Paris : la juge Brigitte Roux a condamné lourdement les sept inculpé-es à des peines allant de 2 à 5 ans de prison pour «association de malfaiteurs terroristes». Le verdict lui-même a été un scandale. Vendredi 22 décembre, les ami-es et les familles étaient présentes dans la salle pour épauler les inculpé-es. Il a suffit d’un soupir dans l’assistance pour que les juges interrompent immédiatement leur délibéré. Et laissaient là des personnes jugées et leurs proches sans décision pendant que des policiers tentaient d’évacuer la salle : une torture psychologique de plus, une démonstration de l’arbitraire.

Après avoir passé une heure à bouder, les juges ont repris leur spectacle ridicule et distribué les sanctions, sans même les expliquer. Ces peines de prison seront à exécuter sous bracelet électronique et les sept personnes restent fichées pour longtemps pour terrorisme, avec interdiction de se voir.

En réalité, le procès qui a duré un mois était inutile et coûteux : tout était déjà écrit d’avance par Gérald Darmanin. Les magistrats n’ont fait que reprendre mot pour mot le récit mensonger de la police et du gouvernement, sans prendre en compte une seule seconde les éléments minutieusement mis en avant par les avocats de la défense.

Les condamné-es vont faire appel de la décision, et ne comptent pas subir une telle injustice sans réagir. Pour autant, cette décision est extrêmement grave et menace tout le mouvement social. Après le fiasco de l’affaire Tarnac, le gouvernement voulait absolument obtenir une condamnation de militants «d’ultra-gauche» pour terrorisme.

Le verdict du 22 décembre constitue un précédent, une jurisprudence qui pourra être appliquée demain à n’importe quel groupe anticapitaliste dans le viseur du pouvoir. Cette condamnation est d’autant plus grave que, pendant ce temps, les fascistes s’arment et passent réellement à l’acte actuellement, avec parfois le soutien de policiers et de militaires.


L’antiterrorisme appliqué sans retenue à l’opposition politique par un régime en pleine fuite en avant autoritaire : qui terrorise qui ?


Le blog du comité du 8 décembre

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