L’extrême lenteur judiciaire est une forme d’impunité policière

Nous sommes le 3 juillet 2018, à Nantes. Dans le quartier du Breil, au nord de la ville. Des CRS patrouillent sur demande de la mairie, et mettent le quartier sous tension. Aboubacar Fofana, 22 ans, qui conduit son véhicule, subit un contrôle qui s’éternise. Alors qu’il est au volant, le jeune homme reçoit un tir dans le cou. Un tir à balle réelle, sorti du Sig Sauer d’un CRS. Il meurt sur le coup. Un témoin raconte : «il était immobile, le policier lui a tiré dessus à bout portant».
Dans les heures qui suivent, la rage s’empare du quartier. Barricades, flammes, affrontements. Des centaines de forces de l’ordre affluent sur Nantes pour étouffer l’incendie.
Pendant que la révolte gronde, le CRS tueur ment pour se couvrir. La hiérarchie policière ment aussi. L’agent prétend avoir tiré «en légitime défense» et même «pour protéger des enfants» ! Mais deux jours plus tard, sa version est tellement invraisemblable qu’il avoue avoir menti. Il aurait tiré «par accident». Il n’avait donc aucune raison légitime de tirer. Aboubacar a été tué pour rien. Reste à savoir comment une arme à feu, dotée d’un cran de sûreté et tenue par un professionnel, a pu «tirer par accident»…
Près de deux ans ont passé et la justice n’a pas avancé d’un pouce. Nous apprenons aujourd’hui que «le policier qui a tiré le 3 juillet 2018 va être entendu par le juge d’instruction fin juin». Cela fait des mois et des mois que la famille et les avocats dénonçaient la lenteur de la procédure. En 2 années, il n’y a pas eu la moindre petite audition !
Voilà ce que vaut la vie d’un homme noir abattu sans raison par la police à Nantes. 2 ans d’impunité totale et une simple audition pour des faits remontant à 2018 ! On ne parle même pas d’un éventuel procès. La justice a aussi mis une année entière avant d’ouvrir une simple instruction pour «mise en danger de la vie d’autrui» dans le cadre de la mort de Steve, à Nantes, l’an dernier.
En France, la moindre manifestation peut vous envoyer en comparution immédiate et en prison préventive, mais un policier qui tue est protégé pendant de longues années, quand l’affaire n’est pas directement «classée sans suite». Pas de justice, pas de paix.
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