Mise en scène judiciaire et fébrilité du pouvoir : explications

Ce jeudi matin, des perquisitions ont eu lieu aux domiciles d’Édouard Philippe, de l’actuel ministre de la santé, Olivier Véran, de l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn, de l’ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, et du directeur général de la santé, Jérôme Salomon dans le cadre d’une «information judiciaire» sur la gestion de la crise sanitaire. Les bureaux de Véran et Salomon ont aussi fait l’objet d’une perquisition, ainsi que les locaux de Santé publique France.
Cette enquête s’inscrit après une série de plaintes déposées dans le cadre de la gestion de la crise de Covid-19 par des particuliers et des collectifs depuis la mi-mars. Elle doit vérifier que ces différents responsables politiques n’avaient pas connaissance de mesures sanitaires à prendre qu’ils n’auraient volontairement pas prises. Une centaine de plaintes ont été reçues par la commission des requêtes de la Cour de Justice de la République. Une seule plainte, à ce stade, vise l’actuel premier ministre, Jean Castex, nommément. Cette enquête s’ajoute à celle ouverte le 10 juin par le parquet de Paris pour «homicides involontaires», «blessures involontaires», «mise en danger de la vie d’autrui», «abstention volontaire de combattre un sinistre» et «non-assistance à personne en péril», qui s’attache pour sa part à d’éventuelles responsabilités non ministérielles dans la gestion de la crise sanitaire.
Les plaintes émanent essentiellement des familles des personnes placées en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). En effet, selon les chiffres du ministère de la Santé entre 30 et 50% des décès liés à l’épidémie ont eu lieu dans ces établissements. Nombreux sont aussi les salariés et syndicats, représentants de personnels soignants, scolaires ou plus généralement de citoyens, qui estiment être victimes d’une mauvaise gestion de la crise sanitaire.
Il y a néanmoins très peu de chances de voir condamner en justice des responsables politiques. Il vaut donc sans doute mieux déposer des plaintes au tribunal administratif. Une plainte pénale vise un individu en particulier, et dans le cas de personnages politiques ou de policiers, il est rarissime qu’il ; y ait condamnation. Par contre, une plainte administrative vise une institution, ici l’État. Et il est sans doute possible de faire condamner l’État pour «mise en danger de la vie d’autrui».
Ces perquisitions médiatisées restent de la mise en scène. Une façon de montrer que, dans un contexte de mesures liberticides extrêmes, les responsables politiques ne sont pas totalement intouchables, que la justice «suit son cours». Mais la presse parle de «perquisitions courtoises», la justice dit que les «opérations se sont passées sans difficultés». N’imaginez pas de descentes brutales à l’aube réservées au commun des mortels : les agents ont sans doute dû toquer gentiment à la porte, demander à récupérer les documents liés au COVID, et repartir avec quelques dossiers sous le bras fournis par les intéressés. Du spectacle.
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