Free party à Lieuron : l’année commence par une polémique grotesque contre les fêtes et la jeunesse


Quel genre de Régime politique en est réduit à mettre en scène une soirée comme la menace prioritaire du début d’année ?


Après une année 2020 particulièrement morose, l’année 2021 commence par une polémique grotesque. Tout ce que la France compte de politiciens, de chroniqueurs, de journalistes et autres experts s’indigne que des jeunes puissent faire la fête, en pleine campagne, dans un hangar entre Rennes et Nantes. Marine Le Pen s’insurge contre le «manque d’autorité» et appelle à toujours plus de répression. Le député En Marche d’Île et Vilaine parle d’un «rassemblement de zadistes». Un courtisan de Macron écrit que «la rave-party sauvage n’est pas le fait de quelques têtes brûlées en mal de sensations mais un défi politique à l’État français de l’ultra-gauche». La porte-parole de la gendarmerie intervient sur tous les plateaux et évoque la «violence» des fêtards. Les remarques méprisantes sur les «punks à chien» se multiplient. Le Ministre de l’Intérieur réunit une cellule de crise… Tout cela pour 2000 personnes qui dansent dans la campagne, le soir du Premier de l’An. Si l’on avait annoncé cela à quelqu’un il y a un an, il ne l’aurait pas cru. Quelques remarques :

➡️ L’association Techno Plus, présente sur les lieux, précise que sont stand «propose depuis le début masques, gel hydroalcoolique et conseils sur la conduite à tenir après l’événement… Le hangar est grand et ouvert, l’air circule». Bref, les conditions sanitaires à Lieuron étaient meilleures que dans la plupart des transports en commun et des magasins, et si les personnes présentes se font tester dans la semaine et évitent de côtoyer des proches fragiles, le risque est encore plus réduit. Mais évidemment, aucun média ne parle de cette association qui veille à la santé des participants et participantes. Il est encouragé d’entasser des millions de personnes dans les transports et les écoles, les riches peuvent partir en vacances par milliers dans les Antilles, mais le fait que quelques centaines de jeunes dansent dans un hangar est un scandale national. Voilà l’échelle de valeur qui règne dans ce pays.

➡️ Il n’y a pas que dans l’Ouest – zone d’ailleurs plutôt épargnée par le COVID – que l’aspiration à la fête s’exprime : des dizaines de soirées improvisées du même genre ont eu lieu partout en France. En Moselle, à Chelles, à Marseille, et ailleurs, à chaque fois c’est un besoin de se retrouver, de danser, de fêter le Réveillon après un an de privations. Et partout en France, la réponse aura été répressive. 100.000 policiers et gendarmes déployés, 6.650 verbalisations pour «non respect du couvre-feu», 662 arrestations et des centaines de gardes à vue, la plupart en banlieue. Concernant la fête de Lieuron, des centaines d’amendes ont été distribuées et une enquête est déjà très probablement ouverte pour châtier les organisateurs. Quel genre de Régime politique agonisant en est réduit à mettre en scène une fête comme la menace prioritaire du début d’année ?

➡️ C’est la répression qui gâche la fête, avec ou sans pandémie. Le 21 juin 2019 à Nantes, une free party au bord de la Loire était chargée par la police. Quatorze personnes dans le fleuve, et le jeune Steve noyé lors de l’intervention. 21 juin 2020, même sanction, gaz et grenades contre la fête de la musique à Nantes. Ces scènes ont lieu quasiment à chaque fois, COVID ou pas : le mouvement free party est régulièrement réprimé, car il n’obéit pas aux codes des autorités ni aux logiques marchandes. À Lieuron, la seule dégradation en deux nuits de fête aura été contre un véhicule de gendarmerie. Sans répression, ces événements se déroulent généralement bien.

➡️ L’épisode de cette free party montre qu’on peut mobiliser massivement malgré la répression et mettre en échec les autorités. À condition de ne pas passer par les réseaux sociaux si surveillés, et en s’organisant. Si les forces de l’ordre sont équipées et aguerries pour réprimer efficacement, elles peuvent mettre un certain temps à se mobiliser en nombre et à intervenir lorsqu’il y a un effet de surprise. Un exemple à suivre pour les luttes ?


«Si je ne peux pas danser à la révolution, je n’irais pas à la révolution»
Emma Goldman


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