
En détention depuis le 12 juin dernier, notre camarade et ami catalan Enric Duran, plus connu sous le surnom de « Robin des Banques », s’apprête à passer en appel ce jeudi 10 octobre à 9h, après avoir vu sa détention provisoire prolongée de 4 mois le 30 septembre par le juge des libertés et de la détention. Le parquet de Nanterre l’accuse de «blanchiment de cryptomonnaies en bande organisée».
Enric a pourtant apporté à la police et à l’instruction les preuves qu’il ignorait tout des pratiques frauduleuses de ses clients. C’est le seul intermédiaire mis en cause dans cette affaire, alors que des banques, dotées de moyens de contrôle sophistiqués, ont effectué les mêmes opérations pour les mêmes clients sans être inquiétées.
Qu’est-ce qui peut alors expliquer cette détention si ce n’est son profil ? Nous en avons la certitude : le parquet de Nanterre (et avec lui l’État français) veut la peau du Robin des Banques.
25 ans d’engagement pour une transformation sociale et écologique autogestionnaire
En 2000, à Barcelone, Enric Duran fait partie du groupe initiateur du Moviment de Resistencia Global. Particulièrement puissante, cette plateforme de coordination et de renforcement des initiatives locales a été un espace de formation pour l’ensemble d’une génération militante catalane avant de se diffuser plus largement en Espagne. Elle rassemblait en son sein une large palette de mouvements de gauche allant des anarchistes (majoritaires) à la gauche syndicale et partisane en passant par une myriade de collectifs anticapitalistes. Après des mobilisations d’envergure, le MRG s’auto-dissout en janvier 2003.
Transcendé par cette expérience, Enric fomente et déploie entre 2004 et 2008 l’action d’expropriation qui lui vaudra le surnom de «Robin Bank» outre Pyrénées. Son but ? Soutenir financièrement les mouvements sociaux et dénoncer le mécanisme de création monétaire et son impact écologique. Le moyen ? Une cavalerie, méthode d’escroquerie qui permet de simuler des rentrées d’argent. Des ciseaux, de la colle, des photocopies et quelques démarches administratives plus tard, 492.000€ «prélevés» à 39 banques sous forme de crédits à la consommation sont reversés vers les communs.
Quelques dizaines de milliers d’euros sont destinés à financer deux journaux distribués gratuitement : « Crisi » centré sur les constats écologiques puis « Podem Viure Sense Capitalisme ! » – « On peut vivre sans capitalisme » – qui invite à l’action. Deux jours après la chute de la banque étasunienne Lehmann Brothers (point de départ de la crise des subprimes), Enric assume son action d’expropriation lors d’une conférence de presse. Il est emprisonné 2 mois et la mobilisation accélère sa sortie.
Forts de ce coup d’éclat, Enric Duran et ses camarades constituent dès 2010 une alternative au capitalisme : la Coopérative Intégrale Catalane. Dans un contexte marqué par des expulsions locatives massives et une politique d’austérité sans précédent, cette structure fondée sur le manifeste du MRG permet à plusieurs milliers de personnes de subsister. On y redéfinit d’autres relations humaines, d’autres relations au vivant, d’autres façons de faire société en rupture avec le capitalisme. Cette expérience démontre la puissance que représentent des collectifs autogérés et interconnectés.
En 2013, le Fisc espagnol poursuit Enric Duran et demande 8 ans de prison pour son action d’expropriation. Notre ami s’éclipse soudain en attendant la prescription des faits que lui reproche la justice espagnole, en mars 2023. Il fixe son port d’attache à Nantes. Nantes, où plusieurs membres de notre comité avait expérimenté une adaptation du coopérativisme intégral dans les années 2010 et entretenu des liens étroits avec la Catalogne.
Articuler les expérimentations catalanes et notre histoire sociale
C’est au moment où le piège macroniste se referme sur nos vies qu’Enric Duran se voit emprisonné. Après avoir ignoré le verdict des urnes, un banquier d’affaires nous condamne à un «sauvetage» de l’économie française : de nouvelles coupes budgétaires dans des dépenses publiques utiles au plus grand nombre, vitales pour beaucoup, sont annoncées. Tandis que le refrain habituel du «il n’y a pas d’alternative» empeste l’air ambiant avec son odeur de naphtaline, l’extrême-droite se frotte les mains en attendant 2027. Nos perspectives d’avenir se restreignent tant le dialogue social est usé jusqu’à la corde. La résignation prend le pas.
Mais la fébrilité du parquet à libérer Enric met en évidence la force de la proposition catalane. En s’obstinant à le garder enfermé, l’institution judiciaire ouvre une brèche dans le flanc de l’État. Une brèche dans laquelle nous saurons nous engouffrer : apprenons du Mouvement de Résistance Global et du Coopérativisme intégral. Articulons notre histoire sociale et nos savoir-faire locaux avec ces apports catalans. Habitons nos villages, nos quartiers ! Préparons le terreau solidaire des grèves générales et des occupations à venir !
Depuis des décennies, nous ne luttons plus pour conquérir de nouveaux droits. Nous ne faisons que résister aux assauts du vieux monde sur les terrains de l’écologie, du social et de l’économie. Les expériences catalanes nous prouvent que la rupture avec le capitalisme et l’avènement d’une société juste, écologiquement et socialement, sont possibles et accessibles. Elles nous invitent à reprendre la main collectivement sur nos vies et nous proposent une méthode : une économie autogérée fondée sur la satisfaction des besoins vitaux et l’élargissement du cercle de confiance à la communauté. Elles prouvent que nous pouvons redéfinir notre rapport au travail, notre rapport à l’argent, notre rapport au vivant. Elle nous prouvent que nous pouvons vivre sans capitalisme.
C’est pour ce qu’Enric représente que l’État veut sa peau.
Liberté pour Enric Duran, Enric Duran Llibertat !
Le comité « Liberté pour Enric Duran » appelle depuis la Bretagne :
- à démultiplier partout sur la région et aux six coins de l’hexagone, des groupes d’autoformation post-capitaliste. Faites vous connaître en nous contactant à enricduran.libre@proton.me !
- à coordonner des actions communes avec le groupe de soutien catalan, afin de faire connaître la situation de notre ami, notre camarade et prisonnier politique des deux côtés des Pyrénées et de le soutenir.
Jeudi 10 octobre, un rassemblement sera organisé devant le Consulat de France à Barcelone à 9h, heure du passage en appel d’Enric devant le Juge des libertés et de la détention.
Vos idées ou vos récits d’actions, tout comme vos mots de soutien à Enric sont bienvenus : enricduran.libre@proton.me
Pour nous suivre sur X : @EnricDuranLibre
Le comité breton «Liberté pour Enric Duran» s’est formé en réaction à l’annonce de la détention ami catalan. Suspecté par la Justice française de blanchiment de cryptomonnaies, Enric dort en prison depuis le 12 juin 2024.
Le monde des cryptomonnaies est très éloigné de celui dans lequel nous avons l’habitude d’ancrer nos luttes. L’activité d’Enric aujourd’hui mise en cause n’est autre que son gagne-pain. Rappelons que notre ami catalan a vécu 10 années d’exil de 2013 à 2023.
Nos premières actions consistent à faire connaître en France ses actions et son engagement total pour une justice sociale et écologique post-capitaliste.
Nous nous faisons également les porte-voix de son appel à l’action permanente et quotidienne. Cette action se situe au carrefour des luttes et des alternatives anticapitalistes et soutenable écologiquement.
«L’utopie, ça n’est pas de croire qu’un autre monde est possible. L’utopie, c’est de croire que le système capitaliste peut perdurer».
Enric Duran, le «Robin des banques» catalan
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.
Une réflexion au sujet de « Tribune : «Pourquoi la justice française veut-elle la peau d’Enric Duran, le Robin des banques ?» »
La bourgeoisie c’est une mafia intouchable qui nous déposséde jusqu’à la paupérisation par le vol. Aujourd’hui elle nomme comme ennemis Enric Duran parce que ( selon elle), il représente une menace pour les banques et leurs coffres forts remplis de la valeur des braquages que les bourgeois considèrent légaux . Être Robin des Banques c’est vouloir reprendre l’argent du vol de cette mafia bourgeoise pour le redonner aux victimes . Faire face aux héritiers d’une mafia bourgeoise qui opprime, exploite, et vole les peuples depuis des siècles c’est un courage des plus respectueux.