
1.900.000 signataires ce jeudi 24 juillet. C’est le succès gigantesque et inédit de la pétition officielle mise en ligne sur le site de l’Assemblée Nationale contre la loi Duplomb. Face à une telle lame de fond, une loi aussi contestée devrait au minimum être suspendue en attendant un vrai débat de fond. Surtout quand on sait qu’en 2019, Macron promettait l’organisation de référendums à partir d’un million de signatures. Une annonce qui n’a jamais été appliquée, comme la plupart des promesses de ce président mythomane.
En réalité la loi Duplomb, imposée avec l’aide de l’extrême droite juste avant les vacances parlementaire, va être promulguée. C’est ce que vient de déclarer la ministre de l’Agriculture Annie Genevard dans les médias, ajoutant que «beaucoup ignorent la réalité de ce qu’il y a dans ce texte», que «l’agriculture française est la plus vertueuse au monde» ou encore que «le gouvernement a le soucis de protéger notre agriculture et notre capacité de production». Traduction : les français sont trop bêtes, ils n’ont rien compris, et les presque deux millions d’opposant-es sont des ignorant-es qui n’ont pas le droit d’être entendu-es.
Annie Genevard ment, bien évidemment. Comme nous le rappelions, la France est la championne d’Europe de l’usage des pesticides en nombre de tonnes utilisées, mais aussi un pays où un tiers des cours d’eau sont contaminés, où 99,8% de la population est intoxiquée au glyphosate et où certains pesticides interdits depuis 20 ans sont encore relevés dans les cheveux des enfants, dans certaines régions agricoles marquées par de forts taux de cancers pédiatriques. Pas un mot qui sort de la bouche de cette ministre n’est donc vrai.
Plus grave, quand elle prétend que «beaucoup ignorent la réalité de ce qu’il y a dans ce texte», elle fait du trumpisme. La loi Duplomb a été dénoncée par 22 sociétés savantes médicales, par la Ligue contre le cancer, les personnels de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, la Confédération Paysanne, la Fondation pour la recherche médicale, des mutuelles et groupes mutualistes, le Conseil scientifique du CNRS, la Fédération des régies d’eau potable, des centaines de médecins et de chercheurs… C’est un déni démocratique mais aussi scientifique. Genevard et ses copains prétendent mieux savoir que tous les experts du sujet. Tout le monde a tort, ils sont les seuls à avoir raison.
Il faut rappeler le pédigrée de cette ministre : Annie Genevard est issue des Républicains, ce micro-parti d’extrême droite qui a réalisé 5% des voix aux dernières législatives et qui, si la France était encore un semblant de démocratie, aurait dû disparaître du paysage politique. Pourtant, Macron a choisi de leur confier le pouvoir. Cette ministre de l’agriculture est ultra conservatrice, xénophobe, transphobe, elle a voté contre la constitutionnalisation de l’IVG, contre la PMA et contre le mariage pour toutes et tous.
Récemment, son cabinet a réclamé la modification d’un clip gouvernemental pour l’agriculture biologique : concernant une scène avec un adolescent métis préparant de la mayonnaise, le ministère avait réclamé de «choisir un casting caucasien». En clair, de «blanchir» le clip, d’en exclure un acteur non blanc. Du racisme biologique assumé. Pour une scène représentant un repas en famille, le cabinet avait demandé de remplacer le «couscous» par du «cassoulet avec canard».
Pour revenir à la loi Duplomb, Annie Genevard, est l’amie du lobby de l’agro-industrie. Par le passé, cette dame a réclamé une amende de 50.000 euros pour les militants et militantes filmant les élevages industriels et avait pour suppléant, en tant que députée, Éric Liégeon, ancien secrétaire général et vice-président de la FNSEA du Doubs. Son collègue sénateur LR Laurent Duplomb était président de la FNSEA auprès de la chambre d’agriculture de Haute-Loire, membre du conseil de surveillance de Candia, géant de l’industrie laitière et gros exploitant. C’est donc un lobby non élu qui impose, de force, des mesures dangereuses pour la population sans concertation.
Avec le succès de la pétition anti-Duplomb, la loi sera donc peut-être discutée, mais ce débat sera purement symbolique et non suivi d’un vote, car une pétition n’a pas de force contraignante.
En avril 2023, alors que des millions de manifestant-es étaient dans la rue contre la réforme des retraites, la gauche diffusait une pétition pour dissoudre la BRAV-M, cette unité de police ultra-violente qui sème la terreur à Paris, comme le moyen miraculeux de faire reculer la répression. Elle avait recueilli plus de 260.000 signatures. La commission des lois devait décider soit de débattre du texte, soit de classer la pétition. Cela a duré moins de 10 secondes : le rapporteur macroniste au Parlement a estimé que cela visait à «décrédibiliser» la police. Le député Sacha Houlié, en commission des lois, a proposé le classement de la pétition. Ratifié à main levée immédiatement. Circulez, y’a rien à voir.
Si cette pétition contre les pesticides montre un vrai sursaut populaire contre l’agro-industrie, elle ne suffira donc pas à faire abroger la Loi Duplomb, ni à mettre hors d’état de nuire les empoisonneurs, qui ont leurs relais au cœur même du gouvernement. Cet élan pétitionnaire doit donc être accompagné de mobilisations de masse, sur le terrain, contre les firmes qui fabriquent ces produits, contre la FNSEA, les mégabassines, et autres incarnations de l’écocide. Pour la Confédération Paysanne, ce succès montre que la loi Duplomb «n’est pas du tout soutenue par la société». Raison de plus pour traduire cet élan collectif dans la rue.
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