Le 20 octobre 1941 à Nantes : l’exécution d’un haut dignitaire nazi par la Résistance


Histoire : que reste-t-il de cette mémoire antifasciste ?


Pour venger l'assassinat de Karl Hotz, haut dignitaire nazi assassiné par la Résistance, le régime d'occupation assassine 50 Otages en représailles.

Il est 7h30 du matin ce 20 octobre 1941 lorsque des coups de feu retentissent rue du Roi Albert, au cœur de Nantes, non loin de la cathédrale. Deux balles sorties du pistolet du résistant Gilbert Brustlein viennent se loger dans le corps de Karl Hotz, le lieutenant-colonel allemand alors responsable des troupes d’occupation en Loire-Inférieure. Il meurt sur le coup. La chance sourit à son officier d’ordonnance lorsque le revolver de Spartaco Guisco s’enraye, il réussit à se retourner et voir le visage de ses assaillants. Les deux camarades s’enfuient accompagnés de leur acolyte Marcel Bourdarias.

Même s’il faut attendre 1941 pour que le Parti Communiste Français crée le Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, dès l’invasion allemande des groupes clandestins se forment pour commencer la lutte armée contre l’envahisseur nazi. L’Organisation Secrète est l’une des premières à être créée par des anciens membres des Brigades Internationales. C’est cette organisation que vont rejoindre Gilbert Brustlein et ses deux camarades après avoir échappé aux soldats allemands lors des premiers affrontements.

Le 21 août 1941 Gilbert Brustlein participe à l’assassinat d’un militaire allemand dans le métro parisien en réponse à l’exécution de deux manifestants par les autorités nazies. Cette journée fera date comme étant le premier acte de résistance en territoire occupé. D’abord entraîné à la pose d’explosifs, c’est dans ce cadre que le communiste rejoint Nantes quelques jours avant de tuer Karl Hotz.

Ce jour-là, lui et ses camarades ne réussissent pas à faire dérailler le train qu’ils avaient ciblé, ils partent alors à la recherche d’une cible. C’est devant la cathédrale qu’ils aperçoivent les deux officiers nazis. Ils prennent alors la décision de les abattre, sans imaginer les répercussions dramatiques de cet acte. Ils ne savent pas qu’ils viennent de tuer le chef de la Kommandantur nantaise.

Hitler est informé en personne de la mort de Karl Hotz, il exige l’exécution de 100 à 150 otages en représailles. Dès lors, tout va très vite, le général von Stülpnagel, chef des troupes d’occupation en France, publie ce communiqué : «En expiation de ce crime, j’ai ordonné préalablement de faire fusiller cinquante otages (…) 50 autres otages seront fusillés au cas où les coupables ne seraient pas arrêtés d’ici le 23 octobre 1941 à minuit».

C’est le gouvernement de Vichy lui-même qui est mis à contribution pour sélectionner les prisonniers qui seront exécutés, par le biais de son ministre de l’Intérieur Pierre Pucheu. Une liste triée sur le volet parmi les internés communistes jugés «particulièrement dangereux». Le 22 octobre en début d’après-midi, les gardes allemands procèdent à l’appel dans le camp de Choisel-Châteaubriant. 27 prisonniers sont choisis, ils ont 30 minutes pour écrire une lettre. Ils montent ensuite dans des camions qui les conduisent à la carrière de la Sablière, non loin du camp. Ils refusent de se faire bander les yeux. Trois salves tirées par 90 SS suffiront à les assassiner tous alors qu’ils chantent encore la Marseillaise.

Guy Môquet fait partie des 27 détenus fusillés à Châteaubriant. Il est célèbre pour être le détenu le plus jeune parmi les 48 qui le seront ce jour-là dans toute la France. Il n’avait que 17 ans. Fils d’un député communiste qui sera envoyé en camp de détention en Algérie dès le début de l’invasion, il s’engage dans les Jeunesses Communistes lors de l’incarcération de son père. C’est pendant cette période qu’il écrit sa célèbre lettre à Édouard Herriot, président de la Chambre des députés, pour réclamer la libération de son père. D’abord incarcéré sur dénonciation pour distribution de tracts, il ne passe pas aux aveux. C’est finalement cette lettre qui servira de preuve.

Gilbert Brustlein réussira à quitter la France en rejoignant l’Espagne où il sera finalement récupéré par les Britanniques. Il s’engage dans les Forces françaises libres et revient en France à la Libération. Pendant plus de 30 ans, il vivra dans l’anonymat le plus complet avant de mourir en 2009, à l’âge de 89 ans. Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur du gouvernement collaborationniste, qui avait donné la liste des 50 otages à assassiner, sera exécuté à la Libération.

À Nantes le monument aux 50 otages et le Cours du même nom, l’une des plus grandes artères de la ville, témoignent encore de la barbarie fasciste et du courage de celles et ceux qui l’ont combattu. Mais 84 ans après, aucune leçon n’a été tirée. Que reste-t-il de cette mémoire antifasciste ? Que reste-t-il du refus du nationalisme et du racisme ?

Désormais, la bourgeoisie s’allie ouvertement avec les héritiers du pétainisme, les médias donnent quotidiennement la parole à l’extrême droite, les groupes néo-nazis s’entraînent et passent à l’acte, des partis issus du fascisme remportent les élections dans plusieurs pays occidentaux, le président français réhabilite Pétain et Maurras et applique le programme du RN. Quant aux forces armées et policières de ce pays, elle votent très majoritairement pour l’extrême droite. C’est la France de Vichy et des assassins collabos qui tient le haut du pavé en 2025.

L’antifascisme était une valeur consensuelle après la guerre. Il faut dire que le patronat et l’extrême droite avaient intérêt à faire profil bas : discrédités par la collaboration, et face à un monde ouvrier organisé, lourdement armé et conscient de sa puissance. Ce même antifascisme est aujourd’hui quasiment devenu un gros mot dans les médias. Il est synonyme de violence, de radicalité, quand il n’est pas tout simplement réprimé. Des groupes antifascistes sont désormais visés par des procédures de dissolution.

Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que des actes de résistance seraient qualifiés de terrorisme et condamnés unanimement. Les médias n’ont déjà aucun mal à justifier un génocide commis par un État dirigé par l’extrême droite au nom de représailles : ça se passe sous nos yeux, en Palestine. L’exécution en masse de civils est déjà légitimée, car des «terroristes» se cacheraient dans la population. Comme sous l’occupation. La presse vichyste devait d’ailleurs utiliser des arguments comparables en 1941. Le terme «terroriste» lui-même, jadis très utilisé par les nazis et les collabos pour justifier leurs crimes, est désormais employé pour désigner des écologistes, des anticapitalistes ou même des soutiens de la Palestine.


Demain, qui résisterait sous un régime néofasciste ? Qui s’opposerait, par les armes, à la barbarie ?


AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.