«Si les élections pouvaient changer les choses, elles seraient interdites depuis longtemps». Les événements de Catalogne illustrent à nouveau avec froideur ce vieil adage populaire. Quelques réflexions sur le référendum catalan.

- Drôle d’époque que celle où l’on peut voir une des plus grandes démocraties occidentales envoyer des centaines policiers cagoulés voler des urnes et fermer des bureaux de vote le jour d’un scrutin, avant de tabasser sans ménagement les électeurs.
- Plus de 700 blessés. Des dizaines de bureaux de votes fermés à coups de matraques. Un président qui décrète une élection « illégale ». Le tout au cœur de l’Europe de 2017. A l’heure des réseaux sociaux et de l’actualité en continu, les images virales de grands mères barcelonaises assommées dans des marres de sang ou de pompiers catalans cognés par des flics venus spécialement de Madrid sont accablantes. Comment expliquer une telle erreur de communication, sinon par un vieux spasme réflexe venu tout droit du franquisme ?
- Ce déferlement de violence montre bien le caractère modulable de la sauvagerie d’État. Comme le soulignait très justement Berthold Brecht dans les années 1930 : «Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie mais son évolution par temps de crise». Du jour au lendemain, la nature même d’un État peut muter sur tout ou partie d’un territoire qu’il administre. Il est instructif de savoir qu’un gouvernement démocratique peut choisir de militariser une région entière sans provoquer la moindre réaction des pays voisins, ni de l’Union Européenne. En ce sens, la transformation du régime en état policier dans certains quartiers français – ou sur certaines zones hors contrôle – et la répression à grande échelle des manifestations sociales sur fond d’état d’urgence ces dernières années font écho à la démonstration de force de l’État espagnol le 1er octobre.
- La situation générale se tend. Les prérogatives des vieux États-nations se sont disloquées sur fond de mondialisation néo-libérale. Le pouvoir politique a fini de se diluer dans les désirs des patrons de multinationales. Il ne reste déjà plus grand chose d’autre de la «souveraineté» des États que la répression. Que reste-t-il aux gouvernants à part le monopole de la violence et le mythe de la « République une et indivisible » à l’heure du «village global» ? Que faire si, en plus, l’uniformité politique et culturelle d’un pays commence à s’émietter ? Les élus ne peuvent plus gouverner le pays qu’à coups de de grenades lacrymogènes, de balles en caoutchouc et de tribunaux d’exception.
- «Nous serons toujours face à ceux qui veulent imposer la consigne de rétablir l’autorité» écrit un anarchiste catalan le jour du vote. Manifester est devenu dangereux. Voter se transforme en acte transgressif. Ces deux réalités décrivent le durcissement de la situation autant que l’état de décomposition avancée de la politique occidentale. Le capitalisme démocratique ne supporte plus la moindre opposition.
- Il y a quelque chose d’abject à voir la presse française, Le Monde, le Nouvel Observateur et Libération en tête, s’affoler des «violences policières» commises en Catalogne, dresser un décompte précis des blessés et relayer avec minutie les dispositifs de répression alors qu’en France, la police tue et mutile chaque semaine dans un silence médiatique assourdissant. Un jeune était encore éborgné par un tir de Flash-Ball en banlieue parisienne la semaine dernière. Des dizaines de manifestants étaient tabassés par la police lors des derniers défilés syndicaux. Des révoltes contre les humiliations quotidiennes des forces de l’ordre sont étouffées tous les mois. Qui en parle ?
En France comme en Catalogne, «l’État est le plus froid des monstres froids. Il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : «Moi, l’État, je suis le Peuple».
- Comprendre la situation en Catalogne
https://lundi.am/Comprendre-la-situation-en-Catalogne
- Catalogne : Prendre parti dans une situation étrange
https://lundi.am/PRENDRE-PARTI-DANS-UNE-SITUATION-ETRANGE
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