Une nouvelle chronique sur les musiques qui portent en elles un vent de révolte et de liberté

At The Drive-In est (était?) un groupe de post-hardcore (genre prolongeant les expérimentations du hardcore punk des années 80) originaire d’El Paso au Texas, près de la frontière mexicaine. Le groupe mélange des rythmiques punk, salsa et hardcore.
Composé de membres issues de descendant-es de l’immigration mexicaine, portoricaine et libanaise, leurs vies d’adolescent-es furent marquées par un racisme dont le punk sera un exutoire. Passant du statut de groupe prometteur, avec leur deuxième album réussi baptisé «In/Casino/Out» sorti en 1998, à la consécration en 2000 avec «Relationship Of Command». Un album tellement proche de la perfection, produit par Ross Robinson (Sepultura, Korn, Slipknot, Amen…) qu’il est encore aujourd’hui considéré comme un classique intemporel, équivalent post-hardcore d’un «OK Computer» de Radiohead, imparable mais qui laissera le groupe KO pour une première séparation de plus de 10 ans.
«Invalid Letter Dept» sera le 3ème single de l’album. Les paroles et le clip de la chanson traitent des féminicides de Juárez, une série de viols et de meurtres commis dans la ville de Ciudad Juárez, au Mexique, de jeunes femmes qui travaillaient dans des usines appelées maquiladoras. Ce nom signifie «usines jumelles», ce sont des usines américaines basées au Mexique, utilisant de la main-d’œuvre mexicaine bon marché et s’affranchissant des droits de douane et des droits humains tout court… 70% des travailleurs y sont des travailleuses. Les conditions d’exploitation sont très dures, le patronat ayant parfois recours à des gangs locaux pour assassiner les syndicalistes.
Depuis 1993, 1653 cadavres de jeunes femmes, voire très jeunes femmes, furent découverts dans le désert, dans le silence total des autorités. Ciudad Juárez est située juste de l’autre côté de la frontière américano-mexicaine, juste à côté d’El Paso justement, d’où le sujet pris très à cœur par le groupe.
Les paroles de la chanson critiquent explicitement la police fédérale mexicaine, incapable d’enquêter efficacement sur ces disparitions (qui dépasseraient les 2500) à cause de la corruption voire de son implication plus ou moins directe. Intimidation de témoins, suspects vite relâchés, avocats des parties civiles assassinés par la police… Malgré la mobilisation des familles de victimes qui se sont constituées en association pour maintenir la pression sur les enquêtes, le gouvernement mexicain n’a jusque là pas pris en considération ces milliers de féminicides, préférant mettre en scène sa lutte contre le trafic de drogue, endémique dans la région.
Les cris de rage dans le final du morceau évoquent alors, dès l’an 2000, un cauchemar qui était malheureusement loin de s’arrêter…
À écouter : Relationship Of Command
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