Il a osé le dire


Régime de l’inversion systématique


Sébastien Lecornu et sa citation : «Dans un autre pays européen, lorsqu’une majorité est battue ou qu’un leader l’est, on ne le revoit pas. Il n’y a qu’en France qu’on voit réapparaître les mêmes visages perpétuellement».

Devinez qui a déclaré cette phrase : «Dans un autre pays européen, lorsqu’une majorité est battue ou qu’un leader l’est, on ne le revoit pas. Il n’y a qu’en France qu’on voit réapparaître les mêmes visages perpétuellement».

C’est Sébastien Lecornu, le 20 octobre 2015, alors qu’il était président du conseil départemental de l’Eure, lors d’une interview au Figaro. Incroyable mais vrai : c’est bien celui qui vient d’être imposé comme Premier ministre pour la deuxième fois par Macron, en dépit de toute légitimité, après la chute de trois gouvernements en un an, et sans la moindre légitimité ni majorité.

Lecornu de 2015 n’avait pas tort, mais il aurait dû aller plus loin dans l’analyse. Non seulement la France est une anomalie politique, car les cercles dirigeants concentrent depuis des décennies les mêmes personnalités politiques et médiatiques qui monopolisent le pouvoir de manière illégitime, mais le régime lui-même est une monstruosité unique en Europe.

La Cinquième République est un régime autoritaire sans équivalent chez nos voisins : elle accorde les pleins pouvoirs au président. C’est un régime imaginé pour la guerre : la Constitution de 1958 devait permettre de résoudre la guerre d’Algérie en offrant au président de l’époque, le Général de Gaulle, des pouvoirs exceptionnels. Elle n’aurait jamais dû être maintenue aussi longtemps.

Voilà le résultat : six décennies plus tard, elle permet à un manager sociopathe qui a perdu plusieurs élections de gouverner par 49.3, de multiplier les coups de force et les provocations, et de s’accrocher au pouvoir comme un morpion à son poil. Et il n’y a aucun recours légal contre lui. Expliquez cette situation à un allemand, un espagnol ou un anglais, ils n’en croira pas ses oreilles et considérera la France pour ce qu’elle est : un pays archaïque et autoritaire.

Mais revenons à la déclaration épatante de Lecornu. Les macronistes ont fait de l’inversion du réel et du mensonge systématique un mode de gouvernement. De façon méthodique, ces gens disent l’inverse de ce qu’ils font et font l’inverse de ce qu’ils disent.

Prenez Macron, qui affirmait sans aucune honte le 29 août dernier que «le mandat qui m’a été confié par les Français sera exercé jusqu’à son terme». Non seulement le mandat «confié» par les français n’existe pas, car Macron n’a été élu que grâce au chantage du «barrage à l’extrême droite», mais en plus le camp macroniste a perdu trois élections de suite depuis 2022. Dans une interview, il estimait pourtant que «présider, c’est faire ce pour quoi on a été élu et surtout ce que l’on croit juste pour le pays». Là encore, Macron n’a jamais été élu pour imposer des attaques sanglantes contre le système de santé, les retraites ou les jours féries, et tout le monde le sait. Même lui.

Autre exemple le 11 novembre 2024, dans le cadre des commémorations de la fin de la Première Guerre Mondiale. Le Premier Ministre de l’époque, Michel Barnier s’adressait à la jeunesse française : «Engagez-vous ! Engagez-vous pour le climat, contre la pauvreté, la précarité, l’isolement, engagez-vous pour la transmission de notre patrimoine, notre histoire, notre culture. Si vous ne vous occupez pas de politique, c’est la politique qui s’occupe de vous».

L’homme qui déclamait cet appel solennel à s’engager contre l’extrême droite et l’injustice sociale était le chef d’un gouvernement anti-social et anti-écologique imposé par un coup de force, dans le cadre d’une alliance avec le Rassemblement National. Celui qui appelait les jeunes à lutter «pour le climat et contre la précarité» était littéralement celui qui déchaînait une répression féroce contre ceux et celles qui luttent pour défendre l’écosystème et obtenir des droits sociaux.

Le 8 décembre 2024, Gabriel Attal déclarait : «Nous serons le parti du travail, le parti des travailleurs». Une phrase qui ne manque pas de souffle, venant d’un millionnaire n’ayant jamais travaillé de sa vie, et dont la tâche aura été de précariser et de détruire le corps des travailleurs et travailleuses.

Avant cela, Macron avait bien prononcé ces mots ahurissants lors de la campagne présidentielle de 2022 : «Nos vies valent plus que leurs profits», le slogan du Nouveau Parti Anticapitaliste. En 2019, il avait même fustigé un «capitalisme devenu fou» et, quelques années plus tôt, conseillé aux jeunes de «lire Marx». Nos dirigeants actuels sont sans doute ceux qui auront le plus détruit le sens des mots, le rapport au réel, afin de créer une confusion politique généralisée.

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