Le Chili vit depuis plus d’un mois un soulèvement sans précédent. Parti d’une révolte contre l’augmentation du prix du ticket de métro, le mouvement a littéralement embrasé le pays : manifestations gigantesques, affrontements, grèves massives. Le pays traverse un épisode révolutionnaire qui met en grande difficulté le gouvernement Chilien, dirigé par un milliardaire ultra-libéral : Piñera.
Pour écraser l’opposition, le pouvoir déploie une répression féroce : armée dans les rues, blindés, tirs à balles réelles, arrestations de masse et disparitions.
Dans un pays où les crimes du dictature de Pinochet n’ont jamais été réparés, on compte plus de 200 manifestants éborgnés par la police en un mois, et une vingtaines de morts. Deux jeunes femmes ont été retrouvées mortes après avoir été arrêtées. Le fantôme de la dictature militaire plane sur le pays.
Dimanche 24 novembre 2019, au 37eme jour de mobilisation, le président Piñera, s’est rend à l’École des sous-officiers des carabiniers – les forces de l’ordre locales – pour y faire des annonces «pour restaurer la dignité de notre police». Parmi ces mesures, la réintégration des policiers à la retraite et la sortie anticipée des écoles de police, qui permettra de déployer plus 4000 agents supplémentaires pour mater les manifestations. Mais aussi plus de moyens et de pouvoir pour les «carabiniers» et la généralisation de la présence militaire dans les rues.
Mais ce n’est pas tout.
PARTAGE DE CONNAISSANCES
Le gouvernement chilien annonce surtout un «conseil international en matière de police» : la collaboration de professionnels du maintien de l’ordre étrangers pour guider la répression chilienne. Qui sont les pays participants ? L’Angleterre, l’Espagne et… la France ! Il s’agit, selon la presse chilienne, «d’analyser les protocoles, les tactiques et les stratégies actuellement utilisées dans les opérations de contrôle de l’ordre public» et «d’enrichir la procédure opératoire pour améliorer le contrôle de l’ordre public».
En clair, comment réprimer mieux et plus efficacement les mouvements sociaux, avec l’aide de spécialistes occidentaux.
Des réunions de formation seraient programmées pour «échanger» sur les expériences respectives et analyser les tactiques de maintien de l’ordre. Il faut dire qu’avec l’écrasement du mouvement des Gilets Jaunes et l’expérience de la France en matière de répression violente des mobilisations, les experts français sont bien placés pour donner des conseils. Les images de manifestant éborgnés dans nos rues rappellent celles des mutilés du Chili, pays dans lequel le fait de se cacher un œil est devenu un signe de protestation. La répression en Catalogne par la police espagnole est aussi une la marque d’une «expérience» certaine.
En France, personne ne parle de cet accord. Pourtant, cette collaboration annoncée par le pouvoir chilien a nécessairement du être validée par le ministère de l’Intérieur français. Alors que les morts et les mutilés se comptent par centaines au Chili, Castaner aurait donc signé un contrat avec le président Piñera.
«SAVOIR FAIRE»
La France est l’un des pays qui a forgé le maintien de l’ordre et la police moderne. Au fil de son histoire ponctuée de révolutions manquées, et de dominations colonialistes, des experts français ont théorisé la répression, et érigé l’écrasement des révoltes en art.
Après Mai 1968, un grand laboratoire du maintien de l’ordre est installé en Dordogne, à Saint-Astier. La gendarmerie s’y entraîne à la répression dans un cadre grandeur nature, en organisant des « des mises en situations réelles ». Elle y forme également des forces de l’ordre venues des quatre coins du monde, des Marines américains aux policiers venus de Catalogne. En 2011, dès le début des Révolutions Arabes, le gouvernement français propose à la dictature Tunisienne de Ben Ali de lui partager son «savoir faire» en matière de maintien de l’ordre.
Mais ces coopérations avec les régimes répressifs ne se limitent pas à la théorie : notre pays est l’un des principaux exportateurs d’armes de répression. Les grenades lacrymogènes et autres balles en caoutchouc sont utilisées partout autour du globe. Des grenades françaises ont servi à gazer des manifestants du Bahreïn, de Turquie ou du Burkina Faso. Les munitions de LBD, après avoir fait leurs preuves contre les manifestants français, s’exportent à l’étranger. Plus récemment, la France a vendu des canons à eau au gouvernement de Hong Kong pour réprimer les opposants. Les usines qui produisent et disséminent leurs armes aux quatre coins de la planète ne le font pas seules. Tout est supervisé par le sommet de l’État français.
La coopération entre la France et le Chili en matière de répression n’est malheureusement pas nouvelle. Lorsque le général Pinochet installe sa dictature dans ce pays d’Amérique Latine en 1973, des militaires français partent enseigner les techniques de «contre insurrection» utilisées lors de la Guerre d’Algérie aux autorités latino-américaines. La France aide aussi la célèbre DINA : la police politique de la dictature chilienne, qui pratique la torture et les enlèvements de masse. La collaboration qui s’annonce est donc un rappel douloureux de l’histoire.
Source (en espagnol) : https://www.elmostrador.cl/dia/2019/11/24/subsecretario-ubilla-explica-como-funcionara-el-apoyo-de-policias-extranjeros-a-carabineros/