Racisme structurel : Youssef avait poursuivi l’individu qui venait de poignarder deux personnes. Il a été arrêté sous le régime anti-terroriste.
Vendredi dernier, un individu perpétrait une attaque à l’arme blanche devant les anciens locaux de Charlie Hebdo. Deux personnes qui travaillent avec Élise Lucet ont été blessées. Alors que le procès des attentats de 2015 est en cours, l’affaire a logiquement provoqué un vif émoi.
Mais il y a une affaire dans l’affaire. Non seulement la police n’a pas su empêcher un tel acte, mais elle a arrêté la mauvaise personne. Youssef, un Algérien d’une trentaine d’années, a tenté d’arrêter l’assaillant présumé et s’est retrouvé lui-même menotté et enfermé en cellule.
Cet ouvrier qui travaille en France depuis plusieurs années montait dans sa voiture au moment de l’attaque. «J’ai entendu les cris d’une femme, à ce moment-là, je vois un mec suspect qui court en direction du métro Richard-Lenoir, je suis parti directement pour le suivre». Il court donc en direction du métro et se retrouve face à l’assaillant qui le menace avec un cutter, ses mains et ses vêtements ensanglantés. «Il m’a dit quelque chose, mais je n’ai rien compris. Je crois qu’il ne parlait pas le français. Il était étonnamment calme». À ce moment là, Youssef ne comprend pas qu’il s’agit d’un attentat, et imagine un règlement de compte. Il remonte de la station et prévient immédiatement un policier. Il lui raconte en vain la scène qu’il vient de vivre, puis décide de se rendre au commissariat pour témoigner de ce qu’il considère alors comme une agression. Et tout s’inverse.
«Ils m’ont emmené dans le métro. Ils m’ont demandé de regarder en direction des caméras pour prendre mon portrait (…) Puis ils m’ont mis des menottes. J’en entends un qui dit en chuchotant : »On l’a chopé. » Je lui réponds : »Vous m’avez pas du tout chopé, c’est moi qui suis venu pour témoigner ! »» Youssef est menotté, yeux bandés, enfermé. Une arrestation sous procédure terroriste ! Et sa photo circule sur internet…
Une fois en cellule, Youssef est pris d’effroi : «On imagine plein de choses»… «Il croyait qu’on allait le traiter en héros et on l’a mis derrière les barreaux». Il est finalement relâché plusieurs heurs plus tard, éprouvé. Son avocate écrira : «Ce suspect n’est autre qu’un jeune homme héroïque qui a tenté d’arrêter l’assaillant. Il s’est présenté à la police pour témoigner, on l’a menotté, cagoulé devant les caméras, placé en garde à vue malgré les témoins et les vidéos. Il sort épuisé et choqué».
Il y a 5 ans, justement, c’était un autre héros qui était «confondu» avec un terroriste : Lassana Bathily, le vendeur du magasin Hyper Casher, qui avait sauvé une partie des clients en les cachant. Lorsqu’il avait essayé de trouver une sortie pour éviter le carnage, il avait lui aussi été mis en joue et arrêté. Il raconte lors du procès en cours : «Je pensais que c’était les frères Kouachi qui étaient dans le magasin. J’ai pris le monte-charge et j’ai foncé vers la porte de secours. Dehors, des policiers m’ont dit : « arrêtez-vous, les mains sur la tête ! » J’étais en panique. J’ai montré mes mains».
Il ajoute : «Ils m’ont mis par terre. Ils m’ont mis les menottes, brutalement, j’ai eu mal aux poignets. Ils m’ont demandé : vous êtes combien ? J’ai dit une vingtaine de personnes. Ils ont dit : « Quoi ? 20 terroristes ?» Lassana Bathily va rester 1h30 dans la voiture des forces de l’ordre. «Ils m’ont pris pour le terroriste». Finalement, les agents se rendent compte de leur erreur. «Ils étaient tous énervés. Je leur ai donné les clés pour ouvrir le rideau». Il leur donne aussi l’endroit où se trouvent les otages sur le plan du magasin et apporte ainsi une aide décisive pour sauver les clients.
Mais qu’est ce qui peut bien pousser la police à «confondre» régulièrement des personnes non blanches agissant de façon héroïque avec des terroristes, sinon le racisme imprégné dans l’institution ?
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.
Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.