Piège médiatique : opération division


Des dirigeants syndicaux tombent dans le piège de la presse préfectorale : un piège médiatique dont le but est de diviser.


L'article de Ouest-France : un véritable piège médiatique.

Mercredi 9 décembre, le quotidien papier le plus lu du pays, Ouest-France, consacrait une page entière à la manifestation de samedi dernier à Nantes. Pour parler de son incontestable succès numérique ? Non. Pour dénoncer la nasse et les gaz lacrymogènes tirés sans raison en bord de Loire ? Non plus. Pour s’interroger sur ce qui pousse une partie de plus en plus grande de la population à se révolter ? Encore raté.

Tout l’article, rédigé par un journaliste dont la spécialité est de salir les luttes locales, du mouvement anti-aéroport aux défilés nantais, est destiné à créer une division artificielle pour anéantir le mouvement en cours pour la défense des libertés. Et finalement, légitimer une répression encore plus forte.

Partant des déclarations du préfet selon lequel il «se passe des choses pas banales sur ce territoire», le quotidien prend à témoin les syndicats pour qu’ils dénoncent les «violences». Et plutôt que de remettre au centre le véritable sujet, l’accélération autoritaire du Régime politique, le piège fonctionne. Pour faire bonne figure, deux responsables syndicaux se présentent comme «coincés entre deux feux» : celui de la police et celui du cortège de tête. Comme si les tirs de grenades, les blessures et les charges contre les manifestants pouvaient être mis à égalité avec quelques tags, des fumigènes et une ou deux vitrines de banques.

Ces dirigeants répètent aussi qu’il s’agirait de débordements «en marge», de «casseurs» infiltrés qu’il faudrait «chasser». Alors même que des centaines de personnes remplissent les cortèges de tête depuis des années à Nantes, et animent les mobilisations au même titre que les autres composantes des luttes. Plus grave, ils déclarent : «nous n’avons plus les moyens d’installer un cordon sur plusieurs kilomètres de cortège» et «on aimerait discuter de stratégie avec les autorités». Comme pour réclamer une répression plus efficace contre une partie des manifestants.

Pourquoi ne discutent-ils pas plutôt de «stratégie» avec les autres sensibilités engagées dans la lutte ? Bref, cet article atteint son but : diviser, séparer les «méchants» des «bons manifestants», et alimenter les fantasmes.


C’est dommage, car il est possible de déjouer ce genre d’opération.


  • Par exemple, ces représentants syndicaux auraient pu rappeler le climat extrêmement lourd qui règne à Nantes, avec pas moins de trois jeunes tués par la police depuis 2017, Abdou, Aboubacar et Steve, plusieurs mutilés et des centaines de blessés.
  • Ils auraient pu expliquer que, dans ce contexte, et étant donné l’impunité qui entoure ces violences, il n’est pas surprenant qu’au bout d’un moment la colère finisse par s’exprimer.
  • Ils auraient pu se féliciter qu’à Nantes, par trois fois, des milliers de personnes se soient mobilisées pour les libertés fondamentales, ce qui est historique.
  • Ils auraient pu aussi détailler quelles sont les armes utilisées contre la population, les dommages qu’elles causent, afin de rappeler d’où vient la violence.
  • Ils auraient pu, surtout, dire qu’il y a toujours eu des modes d’action différents dans les luttes et que, même s’ils ne les partagent pas toutes, la pluralité des actions ne doit pas diviser une mobilisation. Et qu’ils n’ont pas de compte à rendre au Préfet.
  • Ils auraient pu, enfin, expliquer que dans un contexte pré-fasciste, où les journalistes sont arrêtés, les opposants mutilés, les minorités opprimées et les libertés détruites les unes après les autres, il y a largement de quoi être dans une colère noire, et que c’est le pouvoir qui devait retrouver la raison.

Malheureusement, rien de tout cela. C’est le préfet qui impose son récit. C’est pourtant en refusant la désolidarisation, en évitant de donner raison à la propagande de l’ennemi, qu’on remporte une lutte. Les mobilisations victorieuses, du Chili à Notre-Dame-des-Landes, sont là pour nous le rappeler.

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