Les faits remontent au 11 juin 2019. Le journaliste Taha Bouhafs, qui couvre un mouvement de grève dans l’entreprise Chronopost, est pris pour cible par des policiers en civil. Les agents le poussent, le provoquent, puis l’arrêtent violemment. Il est écrasé au sol, son épaule est déboîtée, puis il est jeté en garde à vue pour «outrage et rébellion». Mais toute la scène a été filmée.
Il aura fallu finalement patienter quasiment deux ans, un rapport de l’inspection générale de la police nationale, le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité, deux renvois de la part du tribunal, pour que le procès du journaliste ait lieu hier mercredi. Oui, car c’est bien la victime, qui, comme souvent, comparait en justice après avoir été violentée par la police. Le fonctionnaire, qui ne portait ni brassard ni signe distinctif, prétend avoir été traité de «racaille de flic».
Lors de l’audience, les images sont projetées, et font voler en éclat la version policière. Jusqu’ici rien d’exceptionnel. Mais le policier Maxime Demaire aura, devant les magistrats, une remarque intéressante : «je comprends même pas qu’on doive se justifier et s’expliquer autant sur le fond, la forme. Cela me dépasse un peu. Je dois dire que dans ma carrière, j’ai déjà fait des choses bien plus grave. Et je n’ai pas dû me justifier autant…» Il a tout résumé. L’impunité systématique des forces de l’ordre. Le fait même d’être questionné pour avoir déboîté l’épaule d’un journaliste les choque, tant leur sentiment de toute puissance est omniprésent et tant ils font pire régulièrement.
Son avocat, le militant d’extrême droite Laurent-Franck Liénard ajoute : «Quand on aura besoin des policiers, on les appellera. Mais ils ne viendront plus. Ils en auront assez…» avant d’ajouter que les policiers se sentent «jetés en pâture aux loups», puis réclame 2500 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par l’agent ! Encore une illustration que la police est devenue un corps autonome qui a fait sécession, et détient le pouvoir réel. La procureure réclame finalement 700 euros d’amende à verser au policier par Taha Bouhafs.
Le journaliste va se défendre en dénonçant les violences d’État : «C’est l’État qui est responsable de tout ce qui se passe aujourd’hui. C’est l’État qui forme la police de M. Demaire. C’est l’État qui a créé une brigade anti-arabe et qui a perpétué cette problématique jusqu’à aujourd’hui». La décision est mise en délibéré au 11 mai.
Au-delà de cette affaire parmi des centaines d’autres, retenez la parole de cet agent violent devant la justice. «J’ai déjà fait des choses bien plus grave. Et je n’ai pas dû me justifier autant…»
Une source officielle : https://www.20minutes.fr/…/2995575-20210310-juge-outrage-de…