Apprenez à éviter les balles : la secrétaire d’État à la biodiversité estime que c’est aux randonneurs de s’informer sur «les dates de battues», mais ne dénonce pas les chasseurs
Terrible drame dans le Cantal samedi 19 février. Une jeune femme se promenait sur un sentier de randonnée, connu et balisé, avec son compagnon, lorsqu’elle est fauchée par une balle. Gravement touchée, elle décède sur place. La chasseuse à l’origine du tir est une jeune femme de 17 ans. Une vie perdue, l’autre gâchée. Samedi 30 octobre 2021, dans l’après-midi, sur la 4 voies très fréquentée entre Nantes et Rennes, un conducteur de 67 ans recevait, alors qu’il conduisait, une balle de calibre 9,3mm dans le cou. Très gravement blessé, il décédait peu après, lui aussi tué par un chasseur. Des histoires de chasse comme celles là, il y en a malheureusement des dizaines.
Outre les millions d’animaux tués chaque année en France, il y a aussi des dizaines de personnes blessées ou tuées accidentellement par des chasseurs. En 20 ans, plus de 410 personnes ont été tuées lors de parties de chasse et plus de 2500 blessées. À titre de comparaison, les attentats terroristes ont fait un peu moins de 300 victimes sur la même période.
En France, alors que les logiques répressives et sécuritaires se durcissent en permanence, certaines catégories de population ont tous les droits. Y compris celui de voler une vie. Les forces de l’ordre bien sur, mais aussi les chasseurs. Pour ces centaines de morts «d’accidents de chasse», l’impunité est quasiment systématique. Willy Shraen , le représentant des chasseurs expliquait tranquillement cet hiver à propos des morts : «le risque zéro n’existe pas, c’est comme ça». Bref : circulez, y’a rien à voir.
Après le drame du Cantal, la secrétaire d’État à la biodiversité, Bérangère Abba, très proche du lobby des chasseurs, intervenait dans les médias pour dire sensiblement la même chose : «La chasseuse avait passé avec succès tous les examens, elle était a priori habituée à cet environnement, elle connaissait le terrain». Elle n’a donc rien à se reprocher. Un journaliste lui pose alors la question : «Est-ce aux promeneurs de faire attention?», réponse de la représentante du gouvernement : «Il faut connaître les dates des battues et savoir où elles se situent. La première des choses, quand on veut profiter sereinement de la nature, c’est de pouvoir connaître les endroits chassés.»
Les victimes sont les coupables. Les personnes tuées par des chasseurs l’ont bien cherché, elles n’avaient qu’à s’informer avant de sortir faire une promenade. Et puis, il y a des conditions pour «profiter sereinement de la nature». Apprenez donc à éviter les balles ! Comme si la nature n’était pas un bien commun, et qu’elle appartenait d’abord aux chasseurs.
Alors pourquoi une telle impunité ? Tout simplement parce que Macron est un proche de Willy Schraen, le patron de la Fédération nationale de la chasse. Ils ont même passé un accord au début du mouvement des Gilets Jaunes. La fédération a appelé à boycotter le mouvement des ronds-points. En échange, le gouvernement fait de gros cadeaux aux chasseurs, notamment la baisse du prix du permis de chasse. Aux élections européennes, la Fédération appelait à voter En Marche. Deux ans plus tôt, Schraen avait été reçu en grandes pompes au château de Chambord par le Président en personne. Pendant le confinement, alors que tout le monde était cloîtré chez soi, les chasseurs ont même obtenu des dérogations pour sortir tuer des animaux !