Le droit au procès équitable pour les nul-les


Le contrôle judiciaire d’une femme «oubliée» depuis 8 ans au tribunal de Nantes
Une chronique de notre reporter judiciaire, Ana Pich


Le droit au procès équitable est un ensemble de principes fondamentaux qui préserve les justiciables de l’arbitraire, qui protège les droits de la défense et ceux de la victime.

On peut citer par exemple la présomption d’innocence, le droit d’être assisté-e d’un avocat ou d’un interprète, le droit d’être jugé-e par des juges indépendants et impartiaux… et le droit d’être jugé-e dans un délai raisonnable !

Le principe du délai raisonnable est consacré dans différents textes, internationaux comme internes (article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, Article préliminaire du Code de Procédure pénale…). La Cour Européenne a ainsi déjà condamné la France pour la violation de ce principe, dans une affaire où l’instruction à duré 7 ans entre le placement en garde à vue et l’ordonnance de non-lieu (CEDH 8 févr. 2018, Goetschy c. France, req. n° 63323/12).

Voici donc le parfait contre-exemple (malheureusement pas anecdotique), observé au Palais de Justice de Nantes, le 4 octobre 2022.

Une jeune femme placée sous contrôle judiciaire depuis… HUIT ANS, pour des faits de complicité de vol en réunion. Alors âgée de tout juste 18 ans, elle est accusée d’avoir participé à un cambriolage avec plusieurs autres personnes, en conduisant le véhicule ayant servi au cambriolage. Les autres prévenus, mineurs, sont jugés par le tribunal pour enfants. La jeune femme, quant à elle, doit attendre une date de procès pour comparaître devant le tribunal correctionnel. Dans l’attente, le juge des libertés et de la détention la place en détention provisoire pendant… 4 mois ! Elle est ensuite placée sous contrôle judiciaire en attendant une date de procès… qui n’a toujours pas eu lieu… 8 ans plus tard !

Rappelons que les mesures de contrôle judiciaire peuvent être particulièrement lourdes. Il s’agit d’un ensemble d’interdictions et d’obligations telles que pointer au commissariat, justifier d’un logement et/ou d’un travail, demander l’autorisation pour le moindre déplacement, etc. et cela tout en étant présumé-e innocent !

Face à ce constat, certain-es invoqueront le manque de moyens de la Justice. Ceux-ci sont réels : manque de personnel (magistrat-es, greffier-es…) et de moyens financiers. Mais en analysant les coûts de la détention ou encore de l’armement de la police, une chose est sûre : l’argent est là, mais l’État préfère les placer dans la répression, la surveillance et l’enfermement plutôt que dans une justice équitable et la réinsertion sociale…


Pour suivre son travail, c’est sur Instagram : Ana.Pich

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