? Au Nord de Nantes, une mairie prête à mettre des familles à la rue


La mairie de Nord-sur-Erdre en guerre contre des habitant-es précaires et solidaires pour faire respecter son Plan Local d’Urbanisme : reportage


À l’origine il y a une initiative solidaire : Jean-Marc Perrigot, propriétaire de 5800 m² de terrain à Nort-sur-Erdre, veut mettre à disposition un habitat léger à des familles en précarité. Et puis il y a la municipalité de Nort-sur-Erdre, prête à tout pour faire respecter son PLU.

En juin 2015, alerté par la crise du logement, Jean-Marc Perrigot installe une première yourte sur son terrain constructible. Cet habitat léger et écologique est voué à accueillir une amie qui rencontre des difficultés à se loger en périphérie de Nantes. Il raccorde le logement aux réseaux (eau, électricité, système autonome de traitement des eaux usées) et en fait ainsi un logement décent et confortable qu’il met gratuitement à disposition de son amie.

De ce projet purement altruiste et désintéressé naît une expérience humaine riche. Ensemble, ils créent un jardin partagé, se rendent des services, partagent des moments de convivialité. En 2018, Jean-Marie décide de poursuivre l’expérience en installant une seconde yourte et permet l’installation d’un couple avec enfants, qui rencontre également des difficultés.

En juillet de la même année, Jean-Marie reçoit un courrier de la mairie de Nort-sur-Erdre le mettant en demeure de stopper les travaux. Il est convoqué quelques mois plus tard, nouveau rappel à l’ordre. Finalement, en janvier 2019, le terrain de Jean-Marie est reclassé en terrain agricole : un policier se rend sur place, un procès verbal est rédigé et transmis au procureur. Jean-Marie est finalement appelé à comparaître au tribunal correctionnel le 3 février 2023.

Alors que la loi permet de recourir à des habitats à faible impact écologique, peu coûteux et qui pourraient répondre en partie à la crise du logement, qu’est-ce qui empêche aujourd’hui les municipalité de faciliter leur installation ? Rien, si ce n’est le conformisme, le mépris de classe et la volonté de nuire.

D’un point de vue juridique, si la loi ALUR de mars 2014 donne la possibilité aux mairies d’intégrer les habitats légers dans leur plan d’urbanisme, elle est peu appliqué en pratique. Aujourd’hui la législation autour des habitats légers est tellement complexe que ceux qui s’y risquent s’exposent à des poursuites. Les habitats légers, qui peuvent pourtant apporter une réponse à la nécessité de sobriété énergétique et à la crise de logements, sont encore stigmatisés voir criminalisés.

Depuis 2015, malgré les intimidations de la mairie de Nort-sur-Erdre, «le 104 la Belletière» s’est développé et est devenu un lieu de partage intergénérationnel, social et écologique. Ce lieu d’expérimentations a vu naître une économie locale et solidaire où chacun peut laisser libre court à sa créativité.

Riches de cette expérience, les habitant-es du hameau de la Belletière ont fondé ensemble l’association «Libre Toits» pour «fédérer et défendre les intérêts et la diversité de l’habitat léger, mobile et réversible» en Loire-Atlantique.

Une pétition est en ligne afin de soutenir Jean-Marc Perrigot et les habitant-es du 104. https://www.change.org/p/habitat-leger

À l’issue de l’audience, le procureur demande 500€ d’amende et 30€ d’astreinte par jour tant que les yourtes ne seront pas démontées, et ce à compter de quatre mois après la décision du tribunal.

La décision sera rendue le 07/04/23 au tribunal correctionnel de Nantes.


Notre reportage est illustré par Ana Pich’

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