Un enseignant assassiné trois ans après Samuel Paty, mépris du gouvernement pour l’éducation


L’horreur dans un établissement scolaire, encore. Vendredi 13 octobre, 3 ans après l’assassinat innommable du professeur d’histoire Samuel Paty devant son lycée par un islamiste, la communauté enseignante est de nouveau en deuil. Un jeune homme connu pour son idéologie djihadiste est entré dans le lycée Gambetta d’Arras pour poignarder des enseignants. Il disait chercher un «professeur d’histoire». Les fascistes de toutes les époques et de toutes les religions ont toujours détesté l’histoire.


C’est Dominique Bernard, 57 ans, professeur de Lettres, qui est décédé après avoir reçu un coup de couteau au cou. L’enseignant s’est interposé face à l’assaillant pour protéger ses collègues et ses élèves. Un jeune scolarisé témoignait : «On sortait de classe pour se rendre à la cantine, on a aperçu le gars avec deux couteaux en train d’attaquer le prof. Il a essayé de le calmer et de nous protéger. Il nous a dit de partir, on n’a pas trop compris, on a couru et d’autres sont remontés dans les étages». Il est mort en faisant un acte d’immense courage et de générosité. Deux autres personnels ont été gravement blessés dans l’attaque.

Le tueur est un ancien élève d’origine tchétchène qui serait devenu fanatique lors de son placement en foyer, sur fond de violences intra-familiales. Dans une société en chute libre, où les tensions, la précarité, la perte de repère généralisée, le racisme et les idéologies obscurantistes s’installent, l’Éducation Nationale est chargée de contenir la dislocation sociale. Les enseignant-es sont en première ligne. Pas seulement pour transmettre du savoir dans des conditions de plus en plus compliquées, mais aussi pour aider des élèves en difficulté familiale, en décrochage, pour intervenir dans des établissements mal entretenus face à des classes toujours plus nombreuses. Ils et elles subissent de plein fouet la violence de la société.

Le 16 octobre 2020, Samuel Paty était assassiné à la sortie de son lycée. Il avait lui-même été abandonné par l’Éducation Nationale, qui ne l’avait pas soutenu alors qu’il demandait de l’aide et était visé par des menaces. Pire encore, après sa mort, le gouvernement avait organisé une récupération immonde. Un fonds baptisé «Marianne» avait été créé mais il n’a servi qu’à distribuer de l’argent public aux amis de Marlène Schiappa.

Pendant ce temps, le gouvernement a continué de brutaliser les enseignant-es : déconsidéré-es, critiqué-es, mal payé-es, victimes de «réformes» réalisées sans concertation par un pouvoir qui veut privatiser l’enseignement. Cette année, au moins deux professeurs se sont suicidés sur leurs lieux de travail, dans le Vaucluse et le Loire et Cher. Plutôt que d’écouter ce mal-être, le ministre de l’Éducation a organisé sa rentrée autour d’une interdiction absurde de l’abaya. Une mesure raciste qui exposait, à nouveau, les enseignant-es.

Illustration de cette violence symbolique, le lycée Gambetta rouvre dès ce samedi alors que le sang des victimes n’est pas encore sec. Comme si «la mort d’un collègue ne comptait pas» dénoncent des enseignants sur les réseaux sociaux. Le gouvernement n’a consenti qu’à créer un numéro vert qui doit permettre aux «professeurs d’avoir un échange par téléphone avec un psychologue».

Pour ajouter l’indécence à l’horreur, l’extrême droite s’est précipitée toute la journée de vendredi sur le cadavre encore chaud de la victime. Le député franco-israélien Mayer Habib a immédiatement instrumentalisé le drame d’Arras pour soutenir les bombardements sur Gaza : «les barbares qui décapitent, brûlent des bébés, violent des femmes en Israël sont les mêmes qui égorgent nos enseignants en France. Ils s’attaquent à notre modèle de civilisation. C’est la guerre ! C’est eux ou nous !» De même qu’Eric Zemmour, ou encore Éric Ciotti, qui en ont profité pour dénoncer l’immigration. Comme si encore plus de politiques racistes ou plus de policiers dans les lycées allait régler quoi que ce soit.

Pire encore, cette extrême droite organise elle aussi le harcèlement d’enseignant-es. Sophie Djigo, professeure de philosophie dans le Nord, a été diffamée toute la journée d’hier sur les réseaux sociaux, accusée d’être responsable de l’attaque d’Arras car elle avait organisé une sortie scolaire à la rencontre d’une association d’aide aux exilés en 2022. À l’époque, elle avait déjà reçu des menaces de viol et de mort par courrier électronique de la part de fascistes. Les réseaux d’Eric Zemmour ont créé le collectif «Parents Vigilants», qui s’organise pour mettre la pression aux enseignant-es accusé-es d’être «le lobby islamiste, le lobby LGBT ou le lobby immigrationniste». De nombreux professeurs ont fait remonter des plaintes pour harcèlement de la part de ces réseaux. Sans suite.

Tué-es dans leurs établissements, méprisé-es par le pouvoir, sous-payé-es, harcelé-es par l’extrême droite… Les enseignant-es subissent de plein fouet l’effondrement de notre société. Puisse Dominique Bernard reposer en paix.

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