Noël n’est pas qu’une grande fête consumériste. En 1974, deux actions contre la répression et le capitalisme ont eu lieu pour les fêtes. Deux contes incroyables mais vrais.

À Limoges, une prison attaquée
Les faits ont eu lieu dans la nuit 24 au 25 décembre. Un bulldozer enfonce la porte de la maison d’arrêt de Limoges et provoque non seulement l’effondrement du portail mais aussi d’un grand morceau de mur.
L’engin, conduit par un militant anarchiste, avait été volé dans un chantier à l’autre bout de la ville, et avait traversé Limoges au nez et à la barde des autorités. C’était avant que les villes ne soient truffées de caméras et de patrouilles. Le bulldozer avait même emprunté la voix express et traversé le centre ville peu avant minuit, alors que la plupart des gens mangeaient leurs bûches de Noël.
Arrivé devant la taule, comme la porte avait cédé trop facilement au goût du militant, il avait décidé de s’attaquer à l’enceinte, avant de quitter les lieux, toujours au volant du bulldozer, qu’il avait abandonné un peu plus loin. Il s’était ensuite enfui sans se faire arrêter. Magique.
Deux ans plus tard, cet anarchiste qui se faisait nommer Marc expliquait tranquillement à la presse : «Depuis plus d’un an cette pensée m’obsédait ! 1974, c’est l’année des grandes révoltes dans les prisons, l’affaire Baader, les exécutions en Espagne. J’étais décidé à tenter quelque chose (…). Tous ceux qui sont enfermés… J’ai chanté, je sais. Peut-être de vieilles chansons de la Commune. Vous savez, c’est impressionnant, tout seul, une nuit de Noël, au volant d’un bulldozer et gonflé de cette certitude (…). Je vais vers le mur. Mes tripes et l’énergie de l’engin sont une seule et même volonté. Maintenant je suis en pleine puissance et je tape comme un fou… »
En 1905, l’entrée de la prison de Limoges avait déjà été enfoncée par des ouvriers grévistes pour libérer des syndicalistes emprisonnés. Décidément.
À Copenhague, une armée de Pères Noël dans un supermarché
Quelques jours avant les fêtes de Noël 1974 : un groupe de personnes déguisées en Père Noël entre dans une grande surface et distribue gratuitement des jouets aux enfants. La police intervient, faisant pleurer les enfants jusqu’ici joyeux. La situation manque de virer à l’émeute.
Dans les années 1970, le Danemark était touché par le début de la crise qui frappait l’économie mondiale, avec la hausse du prix du pétrole. Le pays est alors confronté à une hausse du chômage. Un groupe d’artistes radicaux décide de marquer le coup pour Noël : la troupe de théâtre se nomme Solvognen, du nom du Chariot du Soleil Trundholm, objet archéologique danois.
Cette fois-ci, leur pièce de théâtre est politique, et a lieu dans l’espace public, pour perturber la vie quotidienne et questionner le rapport à la marchandise. le Père Noël devient le héros d’un grand spectacle qui dénonce «la terreur consumériste bourgeoise de Noël».
La troupe veut aider les personnes confrontées au chômage et à la pauvreté en période de fêtes. Une quarantaine de personnes en tenues rouges et blanches entre dans un grand magasin du centre-ville et distribue des cadeaux pris directement dans les rayons en déclarant : «Joyeux Noël ! Aujourd’hui, personne n’a à payer», et en expliquant qu’ils rendaient les cadeaux aux ouvriers qui les avaient fabriqués.
Les clients, ravis, remerciaient les Pères Noël et leur souhaitaient bonne chance. Tout le monde était content jusqu’à l’arrivée de la police, qui a essayé d’arracher les barbes blanches pour découvrir le visage des comédiens. D’autres Père Noël ont été menottés et sortis du magasin. La pièce se déroulait comme prévu : les Pères Noël généreux, représentant l’espoir, arrêtés et embarqués par la police, ennemie du peuple.
Au total, sur plusieurs jours, plus d’une centaine d’acteurs et d’actrices ont multiplié ces interventions à Copenhague, débarquant notamment en hélicoptère, envahissant une banque pour demander des millions de couronnes à rendre à la population, entrant dans des maisons de retraite pour apporter de la joie aux personnes âgées, rendant visite à des écoliers, distribuant des livres d’histoire alternatifs qui mettaient l’accent sur l’histoire des travailleurs, attaquant des bâtiments publics avec des fourches en soutien aux travailleurs, tirant une oie géante dans les rues…
Ces actions, et en particulier celle menée au supermarché, ont provoqué une polémique pendant des jours dans la presse danoise, sur le traitement réservé à ces Pères Noël et sur la liberté d’expression. Il a aussi donné lieu à un débat sur la pauvreté et le consumérisme. L’objectif était atteint.
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