Il y a 10 ans : la libération de la ville de Kobané en Syrie


Le 26 janvier 2015 marque une date historique dans la révolution au Rojava : il s’agit en effet de la libération de la ville de Kobané, dans le Nord de la Syrie.


En haut : des combattantes Kurdes lors de la victoire en janvier 2015.
En bas : les célebrations à Kobané le 26 janvier 2025.

En septembre 2014, en pleine guerre civile syrienne, l’État Islamique (EI) lance une offensive sur Kobané, après une première attaque deux mois plus tôt. Pour les djihadistes, au-delà de l’enjeu stratégique, Kobané représente un symbole de résistance qu’il faut abattre, pour enfin remporter une victoire contre les forces Kurdes et leurs alliés. Ce sont donc des milliers de combattants islamistes surarmés et déterminés qui se lancent à l’assaut de cette petite ville coincée à la frontière avec la Turquie, alors surpeuplée de dizaines de milliers de déplacé-es qui ont fuit les combats et l’avancée des troupes djihadistes de l’EI dans la région.

Mais Kobané résiste : les hommes et les femmes qui la défendent, malgré un rapport de force inégal sur le terrain, s’accrochent et ne cèdent pas. Les combattant-es du YPD – Unité de Protection du Peuple –, des YPJ – Forces de Protection des Femmes – mais aussi divers groupes de combattants anti-Assad, tiennent les rues et opposent une farouche résistance dans chaque quartier. Du renfort est également envoyé par la communauté Kurde de Turquie (avant que celle-ci ne ferme sa frontière) et par le gouvernement régional du Kurdistan Irakien. La ville de Kobané doit être sauvée à tout prix pour les forces démocratiques, car sa perte ruinerait le projet d’un Kurdistan autonome en Syrie et rendrait impossible la création d’un Rojava comprenant les trois cantons kurdes.

En parallèle, une campagne de soutien mobilise tout d’abord les kurdes de Turquie, puis s’étend à l’Europe et dans le Monde. Des milliers de manifestant-es défilent en Allemagne (où vivent de nombreuses et nombreux réfugiés Kurdes), mais aussi en France, en Grande-Bretagne, en Belgique … La coalition des États anti-EI engage alors un soutien aérien aux efforts des combattant-es sur le terrain, ce qui fera une nette différence dans le rapport de force.

La Turquie, pourtant engagée alors dans la coalition anti–EI, ne fait quant à elle rien et ne déclenche aucune intervention. Pire, elle verrouille sa frontière afin d’empêcher le PKK – le Parti des Travailleurs du Kurdistan – de soutenir la résistance en renforts et en armes.

Cependant, après des mois de résistance acharnée, le 26 janvier 2015, les Kurdes et leurs alliés contraignent les forces de l’EI à quitter la ville. Cette bataille aura fait environ 2.000 morts, et laisse une grande partie de la ville complètement détruite. Il faudra encore plusieurs mois de combats pour que les forces Kurdes de Kobané fassent la jonction avec celles situés plus à l’Est, scellant ainsi une continuité territoriale toujours établie à ce jour.

La bataille de Kobané, en plus d’être la première défaite majeure de l’EI depuis son avancée dans la région et l’instauration de son califat à Raqqa, devient dès lors un symbole universel de résistance contre l’oppression durant laquelle des combattant-es, moins bien armé-es et moins aguerri-es, ont fait preuve d’un courage et d’une ténacité inaltérables, pour finalement s’imposer.

Cette victoire et cette mobilisation internationale a aussi permis de rendre plus visible le combat des Kurdes du Rojava, le Nord-Est Syrien. Elle aura aussi permis de mettre en avant leur projet politique et idéologique, notamment la lutte pour l’émancipation des femmes : les images des combattantes Kurdes se battant avec acharnement contre les djihadistes de l’EI auront fait le tour du monde.

Mais 10 après, la ville est toujours menacée, même si cette fois le danger ne vient plus de l’État Islamique mais de l’armée Turque et des milices djihadistes qu’elle soutient.

En effet, depuis la chute de Bachar Al Assad en décembre dernier, la Turquie compte bien voir s’effondrer le système politique unique développé par les Kurdes et leurs alliés dans cette région (le chef du MIT – les services secrets turques, a débarqué à Damas quasiment immédiatement après la prise de pouvoir par le HTS – Hayat Tahrir al Shams). Ces derniers ont d’ailleurs déjà annoncé vouloir « ré-intégrer » les territoires contrôles par l’AANES – l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie. Par ailleurs, depuis quelques semaines les Kurdes sont sous le feu d’une campagne de haine massive sur les réseaux sociaux en Syrie et dans la région, faisant craindre le retour de discriminations et de persécutions à l’encontre des minorités ethniques et religieuses qui composent ce pays.

Néanmoins, de nombreuses commémorations et manifestations ont eu lieu ce 26 janvier à Kobané et dans le monde en souvenir de cette victoire. L’occasion de rappeler le combat politique et la lutte en cours dans le Nord et l’Est de la Syrie, notamment au niveau du barrage de Tishreen où de nombreux civils se sont rendus récemment en soutien aux combattant-es, et ce malgré les bombardements de l’armée Turque qui a fait plusieurs morts. Des voix s’élèvent alors pour réclamer une protection internationale de l’AANES, menacée par son puissant voisin turc, aujourd’hui allié du pouvoir en place à Damas.


10 ans après, l’esprit de résistance de Kobané est toujours bien vivant et continue d’inspirer les combattants et combattantes pour la liberté.


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