Les médias en guerre contre l’antiracisme

Quelques captures d'écran d'intox d'extrême droite pour commenter la Marche des Solidarités sur les médias des milliardaires.

Samedi 22 mars, la Marche des Solidarités a réuni entre 200.000 et 300.000 personnes en France. Malgré un climat politique irrespirable, c’était la plus grande mobilisation antiraciste depuis des années en France, elle a réuni des dizaines de collectifs et a réussi à organiser 200 manifestations dans toute la France, y compris dans des petites villes.

Avec un tel succès, on aurait pu s’attendre à ce que des manifestant-es soient interviewé-es pour expliquer leurs motivations dans les médias. Ou mieux, que les collectifs de sans-papiers à l’initiative de ces manifestations soient invités à s’exprimer par exemple. Mais nous sommes en France, en 2025, et il n’y a plus de journalisme depuis longtemps dans les médias des milliardaires.

Avant même d’avoir lieu, la marche avait été salie et diffamée pendant des jours et des jours, les médias l’accusant d’être «antisémite». De façon cohérente, elle a aussi été salie pendant et après son déroulement, par une avalanche de fake news et de propos d’extrême droite. On vous résume.

Slogan antisémite inventé

Chez Europe 1, une des radios du groupe Bolloré, un chroniqueur l’assure : «Les slogans, c’était contre la police, les blancs et les juifs !» Celui qui diffuse ce mensonge se nomme Franck Tapiro, un publicitaire sarkozyste, violemment pro-Israël. C’est aussi un habitué des émissions de Cyril Hanouna. En avril dernier, Tapiro appelait à créer des milices séparatistes : «On nous fait la guerre, il faut répondre par la guerre. J’ai décidé, et on est très nombreux en France, et avec le ministère israélien de la diaspora, de lancer la première armée citoyenne de défense de la diaspora juive».

Le 22 mars, il relaie un gros mensonge. Il se base sur une vidéo prétendument filmée à Nice, qui montrerait le cortège anti-raciste crier «À bas l’État, les juifs et les fachos». Cette vidéo a été diffusée et sous-titrée par des comptes d’extrême droite sur Twitter, et a été vue des centaines de milliers de fois avant de trouver une résonance dans les médias mainstream.

Tout est évidemment faux. La vidéo a été prise dans les rues d’Angoulême, loin de Nice, et il n’est évidemment pas question de juifs. Le slogans est bien «À bas l’État, les flics et les fachos », une phrase scandée dans quasiment toutes les manifestations depuis des années.

Le «journaliste» Jérôme Godefroy, qui a officié chez France 3, Europe 1, RTL ou Le Point a également relayé cette vidéo avec la mauvaise localisation et le mauvais slogan avant de la retirer.

Sur France Info, le « journaliste » Daïc Audouit déclare carrément que des slogans « À mort aux juifs » ont été scandés lors des manifestations, avant de reconnaitre qu’il a vu cette information « sur les réseaux sociaux ». Sans pression, le service public va plus loin que Bolloré.

Mais pas question, pour les chiens de garde, de faire machine arrière ou de reconnaître qu’ils ont relayé un mensonge infâme : sur les plateaux, la polémique s’est déplacée sur le fait de chanter des slogans «anti-flics» dans une marche anti-raciste. Comme si la police ne venait pas d’expulser des centaines de mineur-es exilé-es à Paris dans une grande violence, et que dénoncer la répression était hors sujet.

Intox au carré

Dans le même registre, une pancarte prétendument photographiée dans les cortèges comportait le slogan : «À bas l’État, les blancs et les fachos». Elle a également fait le tour des réseaux sociaux. Grand dieu, le racisme anti-blanc dont parle tant l’extrême droite est en fait bien réel.

En fait, cette photographie n’a pas été prise samedi, elle date de 2023 et elle a été réalisée par un groupuscule d’extrême droite. À l’époque, le 25 novembre 2023, le collectif identitaire Némesis, qui se prétend «féministe» mais focalise tous ses slogans sur l’immigration, avait infiltré une manifestation contre les violences faites aux femmes avec ce genre de pancarte insultante.

Némésis s’était alors venté d’avoir «trollé» le collectif Nous Toutes, en se félicitant d’avoir décrédibilisé la manifestation avec ses fausses pancartes. La fake news est aujourd’hui recyclée, et s’impose comme une vérité alternative.

BFM invite un élu d’extrême droite pour commenter les manifestations

La chaine BFM, qui n’a plus rien à envier à Cnews, a organisé un feu roulant d’attaques contre la marche contre le racisme. Devinez quel a été son invité star, en direct, une partie de la journée du 22 mars, pour commenter la manifestation ? Un élu d’extrême droite. Zéro complexe.

Matthieu Valet, ancien policier qui a tenu des propos racistes, et qui est désormais eurodéputé du Rassemblement National, a pu dérouler les éléments de langage néofascistes sans contradiction, alors que les images de la marche étaient projetées à l’écran. Il a notamment parlé à propos des manifestations qu’il s’agissait d’une «véritable chasse à l’Homme», d’une «fatwa», et répété que «l’extrême-gauche est un danger pour la République».

BFM invente ainsi un concept original : inviter, le jour d’une grande mobilisation, les pires ennemis de la dite mobilisation. Imaginez une manif contre la malbouffe qui provoquerait l’invitation de lobbyistes de Mc Donald’s toute la journée chez BFM.

Sur le même plateau, l’éditorialiste Laurent Joffrin s’en est aussi donné à cœur joie contre la France Insoumise, avec un bandeau apparaissant à l’écran pour dire que la manifestation était «gâchée par LFI». L’augmentation des actes racistes ? Les expulsions organisées par Retailleau ? La stigmatisation des minorités ? Il n’en a pas été question une seconde.

Mythomanie macroniste sur Cnews

Chez Cnews, on ne s’embarrasse même pas d’évoquer la manifestation, qui ne sert que de prétexte à déverser le torrent de délires racistes habituels. Le député macroniste du Nord, Vincent Ledoux, qui est un proche de Darmanin, prononce une histoire destinée à terroriser les vieilles personnes qui regardent la chaîne : «J’étais prof au collège de Roubaix […] mes élèves avaient 21 ans, en djellaba, et disaient que c’était à leur tour de nous coloniser». Une nouvelle séquence qui illustre l’hybridation désormais achevée entre l’empire Bolloré, le macronisme et l’extrême droite : même vision du monde, mêmes objectifs, mêmes méthodes.


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