«Le marché et la financiarisation de la Nature sont le problème, et ne pourront jamais être la solution !»

Ces 28 et 29 Avril 2025 se tenait à Paris, dans le très sélect Pullman Hôtel de Montparnasse, un évènement intitulé «Nature Finance Forum». Cette rencontre aurait aussi bien pu s’appeler «Greenwashing Forum» vu l’écart entre les ambitions faussement écologiques et les pratiques mortifères et destructrices des organisations qui y participent.
200 délégué-es des secteurs de la finance et de l’industrie «du monde entier» étaient invité-es à se retrouver pour créer des partenariats, partager des modèles financiers «durables» et «faire progresser les investissements pour un avenir positif de la nature» (sic). En réalité, il s’agissait surtout, pour ces acteurs du capitalisme mondial, de faire perdurer un système de marchandisation de la nature et d’exploitation brutale de la Terre, de ses ressources et des peuples qui l’habitent et la protègent. Notons qu’il fallait quand même débourser près de 500 euros par jour pour pouvoir participer à cette petite sauterie entre col-blancs.
En fait de «représentation mondiale», le site internet de l’évènement annonçait que les délégué-es venaient à 85% d’Europe et d’Amérique du Nord, contre 15% de délégué-es provenant d’Afrique, d’Asie et d’Océanie… Preuve s’il en est que ce forum était surtout dédié à asseoir un ordre mondial occidentalo-centré.
Dans la liste des organisations et entreprises participant au forum, on retrouve certaines des pires symboles du capitalisme moderne :
- Amazon : symbole d’une société d’hyperconsommation, cette entreprise n’hésite pas à recourir à l’exploitation de travailleur-ses précaires, à la fraude fiscale et à la concurrence déloyale (entre autres). Son PDG Jeff Bezos s’est fait une spécialité d’investir dans des opérations de communication afin de redorer l’image de sa boîte : il était donc «normal» de retrouver ce monstre capitaliste à un tel évènement, façon pour son PDG de se positionner comme un philanthrope du Climat alors qu’il possède sa propre flotte pour le transport aérien d’objets marchands inutiles.
- BNP Paribas : Outre son soutien à la politique génocidaire actuelle du gouvernement Israélien en Palestine en finançant le secteur de l’armement, la BNP Paribas continue d’octroyer des services financiers à des acteurs des secteurs pétroliers et agro-industriels (BNP Paribas permet par exemple à TotalÉnergies de continuer à développer des projets climaticides et mortifères, en particulier dans le sud de l’Afrique).
- J.P. Morgan : «la plus française des banques américaines», J.P. Morgan est souvent classée comme l’une des premières banques mondiales à financer les énergies fossiles, et est reconnue pour son rôle de lobbying contre les régulations environnementales. Il y a un peu plus d’un an, cette banque prenait la décision de quitter la coalition Climate Action 100+ (clairement un autre outil de Greenwashing, censé «faire pression» sur les grands groupes pour limiter le réchauffement climatique), estimant que les objectifs de cette coalition n’étaient plus en phase avec ses propres objectifs à long terme. De plus J.P. Morgan, comme beaucoup d’autres banques, continue de financer des entreprises impliquées dans la violation des droits humains – inhérente à l’exploitation des ressources naturelles, en Afrique et en Amérique Latine.
- Moody’s : Cette agence de notation, qui s’était vue infligée une amende de plusieurs millions d’euros en 2021 pour non-respect des règles d’indépendance et pour des conflits d’intérêts entre actionnaires, a pour rôle d’accorder des notes aux entreprises (dont bien entendu celles qui exploite la Terre, ses ressources et ses habitant-es), leur permettant ainsi de lever des fonds et de financer leurs activités mortifères.
- Et de nombreuses autres entreprises aux profils douteux qui ont confirmé leurs participation comme AXA, Allianz, des entreprises improbables de «Holding» et autres investissements crapuleux…
Ce panel de criminels climatiques nous rappelle les liens intrinsèques entre l’exploitation de la Terre et de ses ressources, et l’accaparement et la destruction des terres, les atteintes aux droits humains des populations locales et aux droits des peuples autochtones, les violations du droit du travail, etc.
Ce type d’évènement n’est pas une tentative pour trouver des solutions à la crise climatique : c’est au contraire un concentré de l’idéologie barbare et destructrice de notre époque qui est elle-même à l’origine de cette crise ! Les entreprises participantes n’y ont pas d’autre objectif que de verdir leur image, trouver des techniques d’adaptation aux normes environnementales (telles que les «crédits biodiversité» et autres «crédits carbones»), pour in fine faire perdurer un système d’exploitation des ressources et des peuples, dont elles (et leurs clients) sont les premières bénéficiaires. Comme si on pouvait «sauver la planète» en sauvant le capitalisme.
Il est au contraire et établi qu’il n’y aura pas de solution à la crise climatique actuelle sans changements fondamentaux dans notre manière de vivre et de penser notre relation aux autres et la Terre. En participant à ce type d’évènement, certaines organisations telles que le WWF ou le label RainForest Alliance se rendent coupables de collaboration avec un système destructeur et assassin !
C’est ainsi que des activistes se sont retrouvés hier matin devant le lieu d’accueil de l’évènement : ces derniers·ères ont déployé une banderole sur laquelle était inscrit «Nature markets protect destroy nature» («Les marchés financiers protègent détruisent la nature» en français). L’objectif était de bloquer l’entrée du forum afin d’interpeller les participant-es, mais aussi l’opinion publique sur l’hypocrisie d’une telle démarche et rappeler que la logique capitaliste ne pourra jamais être à l’initiative d’une quelconque résolution de la crise climatique.
L’activiste et eurodéputée Carola Rackete était présente, connue notamment pour avoir été arrêtée et poursuivie par la justice italienne après avoir forcé l’entrée du port de Lampedusa en 2019 pour y faire débarquer 53 personnes secourues au large de la Lybie, après 17 jours d’attente en mer. Étaient aussi présent-es des activistes écologistes et représentant-es des peuples autochtones d’Équateur et de Colombie, dont Juan Pablo Gutierrez de l’OCNI – Organisation Nationale Indigène de Colombie, dont nous avions publié une interview en Février dernier.
Ce dernier a lu un texte rappelant le rôle du système économique actuel dans la crise climatique, ainsi que celui des peuples autochtones dans la protection de leurs environnements, et se concluait en ces termes : «Le marché et la financiarisation de la Nature sont le problème, et ne pourront jamais être la solution ! (…) La Terre est notre Mère. Et comme une Mère, on en prend soin et on lutte pour la protéger».
Le texte complet lu par Juan Pablo Gutierrez est téléchargeable ici.
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