L’éthique en politique à travers le monde

François Bayrou présentant le livre La Meute : une certaine idée de l'éthique en politique.

Il y a des ministres qui démissionnent après avoir fait une blague sur la nourriture ou pour avoir acheté une tablette de chocolat avec de l’argent public. Et puis il y a la France, où un Premier Ministre illégitime, imposé en dépit du résultat des élections, peut couvrir une gigantesque affaire pédocriminelle pendant 20 ans, mentir, rester en poste, et même recevoir le soutien des médias !

Le Ministre de l’agriculture japonais a ironisé sur le riz, il a dû démissionner. Taku Eto vient de quitter son poste, mercredi 21 mai. Lors d’un rassemblement dimanche, il avait déclaré n’avoir «jamais acheté de riz parce que mes soutiens m’en donnent tellement que je pourrais pratiquement en vendre». Une boutade qui avait choqué au Japon, car le pays est confronté à une forte hausse des prix alimentaires, en particulier du riz, qui est l’aliment de base. Le gouvernement nippon a dû puiser dans ses réserves stratégiques de riz suite à de mauvaises récoltes et une panique boursière, ses tarifs ont presque doublé depuis un an. Le principal parti d’opposition a jugé les propos du ministre «extrêmement inappropriés, distants et intolérables». Et il a donc démissionné en présentant ses plus plates excuses.

Dans le même registre, en Suède, une femme politique de premier plan, Mona Sahlin, avait dû retirer sa candidature après avoir utilisé sa carte bancaire professionnelle pour des achats personnels, notamment du chocolat. De la science-fiction vu de France, où des gouvernants mal élus pillent, mentent, se gavent comme des porcs et insultent régulièrement la population en toute impunité.

L’année dernière, au Pays de Galle, le gouvernement s’est engagé à appliquer d’ici 2026, lors des prochaines élections parlementaires, une loi permettant de destituer des membres du Sénat qui avaient menti. Une interdiction ferme du mensonge en politique. Le 2 juillet 2024, le conseiller du gouvernement gallois soulignait sa volonté de lutter contre la «tromperie» en politique, promettant «une législation prévoyant la disqualification des membres et des candidats reconnus coupables de tromperie délibérée par le biais d’une procédure judiciaire indépendante et invitera le comité à faire des propositions à cet effet.» Une loi réclamée depuis des années par Adam Price, membre d’un parti de centre-gauche indépendantiste. Dès 2004, ce dernier avait tenté de destituer le Premier ministre du Royaume-Uni de l’époque, Tony Blair, pour ses mensonges servant à justifier la guerre en Irak. «La confiance dans ce que nous disons en tant que politiciens est tombée à un niveau sans précédent. […] Comment pouvons-nous restaurer, reconstruire et maintenir cette confiance dans la démocratie ?» Excellente question. En France, où personne ne fait plus confiance à la classe politique, si une telle loi était votée, plus aucun élu ne pourrait se représenter.

En France donc, le numéro 1 du gouvernement couvre une affaire tentaculaire de pédocriminalité : Notre-Dame de Bétharram, un lycée privé proche de la commune de Pau, dirigée par Bayrou, où l’épouse de l’actuel Premier Ministre travaillait, et où le couple scolarisait ses enfants.

L’institut catholique est désormais visé par plus de 200 plaintes pour violences physiques, agressions sexuelles et pédocriminelles entre 1950 et 2010. 60 années pendant lesquelles un nombre incalculable d’enfants a subi l’innommable. Des générations de traumatisés. Un collectif d’anciens pensionnaires a été créé en 2023 devant l’inaction des pouvoirs publics, malgré les multiples signalements.

Bayrou soutient pourtant qu’il ne savait rien. Dès les années 1990, un enfant a été mutilé à l’oreille après avoir été battu par le personnel de l’établissement : ce dernier était dans la même classe que Calixte Bayrou, le fils du Premier Ministre. Une ancienne professeure de l’établissement, Françoise Gullung indique elle aussi «avoir écrit au rectorat, au conseil général – présidé par un certain François Bayrou – et en avoir parlé directement à l’élu lors d’une remise de médailles, après avoir également tenté de sensibiliser sa femme, qui enseignait le catéchisme sur place» écrit Médiapart. C’était encore plus tôt, dans les années 1990, et il ne s’est rien passé. Des familles avaient même écrit à Bayrou lorsqu’il était Ministre de l’Éducation. Et pourtant, la femme de Bayrou s’était rendue aux obsèques du prêtre pédocriminel…

Pire, François Bayrou est personnellement intervenu auprès du juge Christian Mirande, alors même que le secret de l’instruction avait toujours court, pour demander des informations confidentielles sur l’affaire. Ce qu’il dément aujourd’hui. Bayrou a même osé affirmer : «Je ne connaissais pas le père Carricart», avant de changer de version.

Le 23 avril, la fille de François Bayrou sortait du silence, et révélait avoir elle-même été victime, alors qu’elle avait 14 ans, d’agressions lors d’un camp d’été organisé par la congrégation à laquelle appartient l’établissement.

Le 14 mai, Bayrou était auditionné à l’Assemblée nationale sur cette affaire. Plutôt que de faire amende honorable et de démissionner, le Premier Ministre a été très agressif, provoquant les députés chargés de cette commission. Il a même brandi le livre de propagande contre la FI, « La Meute », contenant un nombre colossal de mensonges mais encensé par les médias, afin d’intimider un député du parti de gauche qui avait le tort de lui poser des questions. François Bayrou a considéré que son audition avait pour but de le «coincer» pour «l’obliger à démissionner».

Le plus invraisemblable, c’est que cette stratégie a été applaudie et soutenue par les médias dominants. Le Premier Ministre a été décrit comme la victime de commissaires politiques, d’un complot, de députés «violents» qui se sont retrouvés sur le banc des accusés. La France, c’est l’Ancien Régime. Si vous parlez de 49.3 dans n’importe quel autre pays européen, on sera choqué de l’autoritarisme français. Si vous racontez qu’un président a décidé de ne pas respecter des élections qu’il a lui-même convoqué, on n’en croira pas ses oreilles. Si vous racontez que les manifestations finissent en bain de sang et que la police envoie des grenades mortelles sur les opposants, on vous parlera de dictature. Si vous évoquez Bétharram, il est possible qu’on vous prenne pour un fou.

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