Contre Attaque Musicale : Sepultura, l’impact brésilien


Une nouvelle chronique sur les musiques qui portent en elles un vent de révolte et de liberté


Les musiciens de Sepultura, le groupe brésilien qui aura secoué le monde pendant 40 ans.

Cette année Sepultura fête à la fois son départ par une tournée d’adieu mondiale et ses 40 ans d’existence. Retour sur un des plus grands groupes du Brésil.

Formé en 1984 à Belo Horizonte par deux très jeunes frères, Max et Igor Cavalera, influencés par le thrash de Slayer, Celtic Frost ou Venom, le groupe joue alors un thrash metal à la production très crue et aux textes portés sur le crucifix renversé et les “dévastations bestiales”. C’est à l’arrivé du guitariste Andreas Kisser que Sepultura va prendre un virage plus technique mais aussi développer des paroles très contestataires, sociales, reflets de leurs vécus et de leur rapprochement toujours revendiqué avec les populations pauvres des favelas.

Si enregistrer et tourner au Brésil à la fin des années 80 est particulièrement difficile, le talent et la renommée du groupe, notamment grâce au tape-trading (échange entre fans de cassettes audios, souvent par la poste internationale), va les propulser au devant la scène nationale. Et c’est là qu’il faut comprendre l’impact de Sepultura, contrairement à d’autres compatriotes comme Sarcofago : l’envergure du groupe va lui permettre de vendre des millions d’albums de par le monde et de tourner sans interruption avant une tragique séparation avec Max (alias le “Bob Marley du metal”) au sommet de la gloire du groupe en 1996.

La couverture de l'album "Roots" de Sepultura.

Pour mesurer l’impact du groupe, il y a la musique en évolution continue, le talent d’écriture des riffs, l’incorporation de percussions brésiliennes, divers éléments issus de la samba, de la musique latine et tribale (l’album Roots en 1996 fut enregistré pour partie dans la jungle amazonienne avec la tribu indigène Xavante) forgeant une identité sonore unique. Et l’attitude, punk, car l’explosion de la scène hardcore est alors toute récente (la chanson juvénile “Antichrist” renommée “Anticop” en concert), les tournées mondiales énormes, les thématiques sociales qui donneront à Sepultura son caractère “sérieux”.

Rappelons qu’à cette époque la dictature militaire n’est pas loin (“dictator shit”), la guerre coloniale avec “Territory” et son clip entrecoupé d’images du territoire palestinien, le massacre des détenus de la prison de Carandiru par la police militaire avec “Manifest”, la censure avec “Slave New World”, la brutalité policière (“Criminals In Uniform”), la biotechnologie “Biotech is Godzilla” avec Jello Biafra des Dead Kennedys, à la base prévue en tant que chanson anti-nazis. Dans le répertoire de Sepultura, on trouve aussi “Kaiowas”, créée en l’honneur d’une tribu indienne brésilienne qui s’est suicidée collectivement pour protester contre le gouvernement qui voulait la chasser de ses terres, l’histoire coloniale de l’Amérique du Sud avec “Roots Bloody Roots”, dont le tournage de la vidéo a eu lieu dans les catacombes situées sous la ville de Salvador, où les esclaves brésiliens étaient vendus…

L’impact du groupe se mesure alors avec des Zénith blindés en France, entrant en résonance avec la colère d’une jeunesse héritière des désillusions et apathies du tournant néolibéral des années 80. Sepultura mélangeant ses compos avec de la world music quand le mouvement altermondialiste et antiglobalisation se soulève.

40 ans après ses débuts, une multitude de groupes avec un son toujours plus agressif a inondé les scènes et plateformes de streaming du monde entier, ultra produit, sonnant creux, sans âme ni slogan à scander. Très peu de groupes ont la pertinence et l’impact musical et culturel de Sepultura qui a déboulé d’un pays à peine sorti d’une dictature militaire (achevée en 1985), où le simple fait de s’exprimer avec une guitare électrique pouvait vous causer de sérieux ennuis…

Alors pour célébrer cette fin auto-programmée rien de mieux que de repasser ce titre qui ouvre un des meilleurs album jamais sorti sur les battements de cœur du petit Zyon – futur fils de Max – enregistrés à l’échographie :

Sepultura – Refuse / Resist

Chaos A.D.‌
Tanks on the streets
Confronting police
Bleeding the plebs
Raging crowd
Burning cars
Bloodshed starts
Who’ll be alive?…

La couverture de l'album "Refuse / Resist" de Sepultura.

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