Attaques dans les lycées : masculinisme et passage à l’acte ?


Une nouvelle attaque meurtrière au couteau a eu lieu à Nogent, en Haute Marne, le 10 juin. La troisième en trois mois.


Masculinisme, extrême droite et passage à l'acte. Avril, juin 2025 : trois attaques dans des lycées.

Et comme à chaque fois, la classe politique et médiatique s’est vautrée dans les habituels discours répressifs et anti-jeunes. François Bayrou a appelé à interdire la vente de couteaux aux mineurs. L’éditorialiste Natacha Polony a dénoncé sur LCI «l’ultra-féminisation du corps enseignant» tout en appelant à frapper les élèves : «Il y a certains profils sur lesquels il faut un rapport de force et quelque chose qui s’exerce de façon presque violente». Bruno Retailleau, Eric Ciotti ou Brice Hortefeux se sont déchaînés sur «l’ensauvagement», ont réclamé plus «d’autorité», dénoncé «Mai 68» et demandé des portiques de sécurité à l’entrée des lycées.

Mais aucun ne relève le schéma qui se répète dans ces attaques de lycées. Personne ne parle des similitudes évidentes : à chaque fois, ce sont de jeunes hommes qui tuent des femmes. Des adolescents encouragés dans leur passage à l’acte par des idées d’extrême droite, masculinistes et nihilistes. On vous explique.

À Nantes, le 24 avril, dans un lycée privé nantais réputé pour son calme : Justin P., âgé de 15 ans, habillé en noir et cagoulé, poignarde à mort une de ses camarades de classe, Lorène. La victime était l’une des seules élèves qui parlait à cet adolescent isolé, et qui était bienveillante avec lui. Ce dernier s’est acharné sur elle, en lui portant plus de 50 coups de couteau. Lors de son attaque, il a aussi blessé trois autres élèves avant d’être maîtrisé par le personnel. Lors de son arrestation, il a demandé à un policier de lui «tirer une balle dans la tête». Justin P. était un admirateur d’Hitler, selon plusieurs témoignages. Une lycéenne expliquait juste après les faits : «À plusieurs moments il a eu des propos nazis». Dans le Figaro, un de ses camarades de classe déclare «Il était réservé. Il partageait des idées bizarres, des idées nazies». Le jour de l’attaque, il portait un casque comportant lui aussi des inscriptions liées au Troisième Reich selon le journal Presse Océan.

À Dijon, le 7 juin, un lycéen de 17 ans était arrêté et placé en garde à vue pour tentative d’assassinat. Il avait annoncé son projet de tuer une autre lycéenne, et un couteau avait été retrouvé à son domicile dans une pochette cartonnée d’écolier, ce qui semble confirmer un passage à l’acte imminent. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, ce lycéen disait vouloir se venger car la lycéenne en question avait accusé un de ses amis d’être un violeur. Il faisait référence aux tueurs incels – «involuntary celibate» en anglais – ce mouvement masculiniste qui cultive la haine contre les femmes, très influent sur internet. Plusieurs féminicides et attentats commis par des incels ont eu lieu dans le monde anglo-saxon ces dernières années.

Nogent, en Haute Marne, le 10 juin. Quentin, 14 ans, poignarde à mort une surveillante de son lycée, Mélanie. Son profil ressemble à ceux des deux précédents. Ses camarades le décrivent également comme «bizarre», «isolé», «dans son monde» et fasciné par la violence. Il avait frappé un camarade et tenté d’étrangler un autre par le passé. Surtout, Quentin a fait l’objet de «signalements» suite à des saluts nazis. Un élément quasiment passé sous silence dans les médias.

Un de ses amis a confié à RMC que Quentin avait pour projet de poignarder quelqu’un avant la fin de l’année, «n’importe quelle surveillante». Et il a visé une femme, Mélanie. Après son interpellation, il n’a exprimé «aucun regret» et a dit vouloir «faire le plus de dégâts». La justice estime qu’il n’a pas de troubles mentaux, mais apparaît en «perte de repères quant à la valeur de la vie humaine».

Le 10 juin également, c’est en Autriche qu’un jeune de 21 ans a commis une tuerie de masse dans son ancien lycée, emportant 10 élèves avec des armes à feu, avant de se suicider. Il avait aussi préparé une bombe, qu’il n’a pas eu le temps de rendre opérationnelle.

En ethnologie, ces actes pourraient s’apparenter au phénomène nommé «amok». Ce mot vient de Malaisie, où ces situations ont été observées et décrites. Il s’agit d’un épisode de «folie meurtrière» d’une personne seule, généralement un homme, en décompensation. La plupart du temps, il s’agit de crimes de masse commis avec une arme blanche.

La question de la santé mentale des jeunes est donc cruciale, et les parents de Lorène, tuée à Nantes, l’ont encore rappelé ces derniers jours. La prise en charge psychiatrique des jeunes est catastrophique, alors que les 18-24 sont une tranche d’âge très fortement touchée par des souffrances psychiques, en particulier depuis le confinement de 2020. Une catégorie pour qui la consommation d’antidépresseurs explose.

Mais ce n’est pas tout. Cela fait trois attaques ou tentatives d’attaques commises par des adolescents sur des femmes en quelques semaines. Dans les trois cas, les jeunes hommes étaient influencés par des idéologie d’extrême droite ou «incel». Ces tendances de plus en plus répandues encouragent le passage à l’acte chez les jeunes hommes isolés, nihilistes et violents. Pour cause : le fascisme est fondamentalement une idéologie qui glorifie la force brute la domination et la mort. On le retrouve dans l’absence totale d’empathie témoignée dans les trois cas de Nantes, Dijon et Nogent : un mépris de la vie humaine, en particulier celle de femmes. Pourtant, dans les médias, on parle de tout sauf de masculinisme.


Plutôt que de réclamer des portiques et des caméras de surveillance dans les lycées, c’est de cela dont il devrait être question : éduquer les jeunes hommes et soigner la détresse psychique qui touche la jeunesse.


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