Tuerie de Plymouth : un terrorisme masculiniste


Cinq personnes tuées dans une fusillade par un «incel». Histoire de ce mouvement violemment misogyne


Le 12 août dernier un homme a ouvert le feu et tué cinq personnes en Angleterre, il s’agit de la fusillade la plus meurtrière depuis 10 ans dans le pays. La police a indiqué d’emblée ne «pas envisager la piste terroriste». Pourtant l’homme a publié plusieurs vidéos sur internet dans lesquelles il se qualifiait d’«incel», en référence à un mouvement né sur internet et profondément misogyne.

La culture «incel», pour «involuntary celibate» (célibataire involontaire), est née sur des forums anglophones comme 4chan ou reddit. Les incels sont des hommes hétéros plutôt jeunes et persuadés qu’ils ne pourront jamais trouver de partenaire. Selon eux les hommes naissent avec des spécificités physiques qui font d’eux des «Chad» (des hommes «alphas», beaux et populaires qui attirent les femmes) ou des incels. Ils tiennent les femmes pour responsables de leur situation car elles ne sont attirées que par les Chad. Les incels se définissent selon différents niveaux de radicalité nommés «pilule rouge» et «pilule noire» en référence au film Matrix.

Pour la communauté, prendre la pilule rouge signifie prendre conscience que les femmes ont pris trop de pouvoir et que les hommes en sont désormais des victimes, ce qui se traduit par une haine des femmes en général et plus particulièrement du féminisme. Prendre la pilule noire est le niveau suivant, c’est prendre conscience que cet ordre des choses est immuable, qu’ils resteront des incels pour toujours et que les seules possibilités qu’il leur reste c’est de «lie down and rot» («s’allonger et pourrir»), se suicider ou commettre des tueries de masse, comme le tueur de Plymouth qui se définissait comme un «blackpiller».

Sur ces sept dernières années, douze tueries de masse peuvent être liées au mouvement incel. La tuerie d’Isla Vista, en Californie, perpétrée par Elliot Rodger le 23 mai 2014 est la première attaque revendiquée de cette idéologie. Il tue 6 personnes et en blesse 14 avant de se suicider. Il avait auparavant écrit un manifeste long de 137 pages et diffusé des vidéos sur Youtube, expliquant son désir de vengeance contre les femmes, allant jusqu’à parler de «guerre contre les femmes». Cette tuerie en a inspiré d’autres, notamment une attaque à la voiture bélier le 23 avril 2018 à Toronto, au Canada, qui a coûté la vie à 10 personnes. Son auteur mentionnait son admiration pour Elliot Rodger dans une vidéo postée sur Facebook et déclarait que «la rébellion incel a déjà commencé».

Malgré ces éléments qui prouvent le caractère idéologique de ces passages à l’acte, ce n’est qu’en février 2020 avec l’attaque au couteau dans un salon de massage érotique à Toronto que la qualification terroriste est retenue contre un incel. Pour les autres, comme à chaque fois que le tueur est blanc, il s’agit de «déséquilibrés» souffrant de «troubles dépressifs». C’est une manière de nier une fois de plus le caractère massif et structuré de la violence masculiniste en ramenant ces actes à des pétages de plombs individuels.

L’idéologie incel se diffuse pour l’instant essentiellement sur les réseaux anglophones mais on peut en trouver des émanations en France comme le forum 18-25. Comme dans le mouvement incel, on y trouve essentiellement des hommes jeunes qui se fédèrent autour d’une culture avec ses termes et ses codes très spécifiques et dans laquelle la misogynie, le racisme, l’homophobie et la transphobie tiennent une place essentielle. Ce forum a été à l’origine de plusieurs campagnes de harcèlement contre des militant.es pour l’égalité sociale ces dernières années.

Des pages francophones liées à l’idéologie incel apparaissent également de plus en plus sur les réseaux sociaux, reprenant les termes d’«alpha», «pilule rouge/noire», «Chad», etc. Elles sont à signaler au plus vite.


Source : https://www.courrierinternational.com/article/drame-lombre-incel-plane-sur-la-tuerie-de-plymouth-la-pire-depuis-onze-ans-au-royaume-uni

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