En France comme aux USA : le racisme d’État tue


En Californie, un ouvrier agricole décède lors d’un raid de la police de l’immigration. Dans le Nord de la France, l’association Utopia porte plainte après la mort d’un exilé syrien pendant un raid de la police


En Californie, un ouvrier agricole décède lors d’un raid de la police de l’immigration. Dans le Nord de la France, l’association Utopia porte plainte après la mort d’un exilé syrien pendant un raid de la police. Le racisme d'État tue.

Samedi 12 juillet dernier, on apprenait la mort de Jaime Alanís, 57 ans, décédé des suites d’une chute mortelle de 9 mètres de haut en Californie. L’ouvrier agricole d’origine mexicaine travaillait dans une ferme de cannabis – rappelons que ces dernières sont légalisées dans cet État – lorsque les cowboys de l’ICE – United States Immigration and Customs Enforcement – la police de l’immigration, ont débarqué par dizaines, masqués et lourdement armés. Ils ont lancé une chasse à l’homme contre les travailleurs immigrés.

Les images des personnes présentes sur place montrent la ferme noyée sous les gaz lacrymogènes, et les arrestations violentes qui se succèdent. Pendant l’opération, Jaime a pu joindre sa famille par téléphone et lui raconter qu’il se cachait sur une serre, fuyant les agents. C’est alors que la chute a eu lieu. Alanís travaillait dans cette ferme depuis 10 ans et ramenait le seul salaire de la famille, expliquait sa nièce, Yesenia Duran. “Mon oncle Jaime était juste un fermier innocent et travailleur. Sa femme et sa fille l’attendaient.” Il s’agit officiellement du premier mort lors des opérations de déportation massive de l’administration Trump. Combien suivront ?

Plus de 200 personnes ont été arrêtées dans les fermes détenues par la société Glass House Brands lors de ces raids du jeudi 10 juillet. Ces scènes de violence se sont malheureusement reproduites des milliers de fois aux États-Unis ces dernières semaines. On a pu voir des vidéos d’enfants enchaînés et montant dans des véhicules afin d’être déportés. Des vidéos de mineurs en larmes, suppliant les agents de libérer leurs parents menottés devant leurs yeux.

Ces arrestations ne se font pas sans résistance : dans les fermes de Glass House, comme partout en Californie, la population s’élève contre ces raids et tente de protéger les siens. Début juin, de véritables affrontements avaient lieu entre manifestant-es et forces de l’ordre. Des quartiers entiers se sont soulevés pour empêcher des déportations. Dernier exemple en date : des dépanneurs ont lancé une opération de suivi des véhicules de la police de l’immigration, afin de pouvoir immobiliser leurs véhicules et les emmener à la fourrière lorsqu’ils sont mal garés.

Le gouverneur de Californie a déclaré “inhumaine” cette opération de déportation dans la ferme de Glass House. De son côté, Claudia Sheinbaum, la présidente du Mexique, a déclaré étudier la possibilité de porter plainte contre ces raids de l’administration Trump suite à la mort de Jaime. Le néofasciste Trump a de son côté appelé les agents de la police de l’immigration «qui seraient victime de jets de pierre, de brique ou de toute autre forme d’agression d’arrêter leur voiture et d’arrêter ces RACLURES, en utilisant tous les moyens nécessaires pour y parvenir». Tous les moyens nécessaires, y compris la mort donc.

Voilà où conduit le racisme d’État poussé à l’extrême. Combien se demandent comment le système concentrationnaire a pu arriver ? Ne vous posez plus la question, vous avez la réponse sous vos yeux.

Et la France est sur la même pente glissante. L’association Utopia 56, une association de défense des droits des personnes en situation d’exil et de migration, a déclaré mardi 8 juillet porter plainte contre X suite à la mort de Jumaa al-Hasan, exilé syrien de 27 ans mort en mars 2024. Le média Disclose a en effet révélé une enquête, menée conjointement avec Index ‬et le laboratoire de recherche Liminal, mettant directement en cause la police. Leur enquête les a menés jusqu’en en Angleterre, où ils ont retrouvé des témoins de la scène.

Nous sommes le 2 mars 2024, à Gravelines, dans le Nord, plus précisément sur le canal de l’Aa. Afin d’éviter la police, un groupe de 30 personnes mettent à l’eau une embarcation à plusieurs kilomètres de la mer. Malheureusement, une patrouille de police les repère et les prend en chasse depuis les berges. Sur les rives également, d’autres personnes tentent d’embarquer sur le canot, dont Jumaa. Mais la police les poursuit, balançant des gaz lacrymogènes et matraquant à tours de bras.

L’enquête montre qu’il ne s’agit pas d’un acte isolé, puisqu’une vidéo filmée quelques semaines plus tard sur ces mêmes berges montrent des policiers utilisant les mêmes méthodes. Si certains arrivent à rejoindre l’embarcation Jumaa, lui, est resté à l’arrière et se trouve toujours sur les berges. Lorsqu’il tente de remonter, la police l’asperge de gaz, alors qu’il ne représente manifestement aucun danger, et le force à faire demi-tour. Il faut avoir soi-même déjà expérimenté la panique du manque d’oxygène lorsqu’on se retrouve sous une pluie de lacrymo, pour comprendre que Jumaa ne voit pas d’autres issues que de se jeter à l’eau.

Les quatre témoins interrogés par Disclose sont formels : Jumaa se noie sous leurs yeux, mais aussi sous les yeux des policiers, qui le laissent mourir, malgré les cris des personnes sur le canot appelant à l’aide. Ils assurent que les policiers auraient facilement pu le tirer de l’eau, mais ont choisi de le laisser mourir.

Sur le canot, la situation est également difficile, l’embarcation dérive, et les pompiers sont appelés au secours. Mais eux non plus n’iront pas secourir Jumaa, malgré les appels d’autres personnes alertant de sa disparition. Lorsque Utopia 56 appelle la police le lendemain, cette dernière affirme que des drones et caméras thermiques ont survolé la zone mais que rien ne s’y trouvait, et que de ce fait il n’y aura pas de recherches pour Juma. Pourtant, son corps est retrouvé 16 jours plus tard. À 500 mètres de l’endroit où il s’est noyé.

La justice est saisie à la découverte du corps. Mais comme d’habitude, ceux qui sont pointés du doigt sont les passeurs. L’oncle de Jumaa avait fait le déplacement depuis l’Angleterre pour retrouver son neveu. Jumaa devait en effet l’y rejoindre. Il souhaitait faire une formation dans le commerce, révèle encore Disclose. Mais il a fini noyé dans un canal du Nord de la France. Et pour quoi ? Qu’est-ce qui pourrait bien justifier la mort d’un jeune homme de 27 ans, qui n’aspirait qu’à une vie meilleure ?

Le ministre de l’intérieur, lui, ne voit aucun problème. Il salue les forces de l’ordre, “leur courage, leur bravoure, et aussi les vies qu’ils sauvent”, ajoutant “certes, ce sont des forces de maintien de l’ordre, mais ce maintien de l’ordre aboutit à sauver des vies.” Et qu’en est-il de la vie de Jumaa al-Hasan ?

Depuis 2011, au moins 366 personnes sont mortes en tentant de traverser la Manche. 176 entre 2011 et 2020, et 190 entre 2020 et aujourd’hui. On voit donc comme le rythme s’accélère. La faute à des politiques migratoires toujours plus répressives, qui criminalisent de plus en plus la figure du migrant.

En Espagne ces derniers jours, de véritables pogroms ont eu lieu, vivement salués par Cnews. Depuis le 20 janvier 2025 aux États-Unis, 75.341 personnes ont été déportées, dont 68.790 Mexicain-es, et des milliers d’entre elles et eux meurent sur les routes de l’exil.

En France comme aux États-Unis, les vies des personnes non blanches ne valent rien, en tout cas rien en comparaison de celles d’une personne blanche. En France, comme aux États-Unis, le racisme d’État tue, les frontières tuent, la police tue.

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