Ne dites pas que la police tue

Le ministre Laurent Nunez de veut pas que ça se sache, mais la police tue.

Dans notre époque de trumpisme généralisé, il n’y a pas une parole sincère dans la bouche de nos dirigeants, pas une vérité dans les discours officiels, et les récits alternatifs pullulent. Mais dire une simple vérité est interdit. Le Ministre de l’Intérieur Laurent Nunez porte plainte contre plusieurs élus pour avoir dit que «la police tue». Cet homme est plus tolérant avec les néo-nazis, qu’il avait autorisé à manifester dans Paris en tant que préfet de la capitale.

Le 27 octobre, quatre élus de la France Insoumise ont dénoncé les violences policières à l’occasion des 20 ans de la mort de Zyed et Bouna. Les adolescents décédés alors qu’ils étaient pourchassés par la police en 2005, provoquant une immense révolte des banlieues françaises. Manon Aubry a déclaré que «rien n’a changé. Le racisme et la violence continuent de ronger la police et de causer des morts». Son collègue Paul Vannier a écrit : «La police tue. Il est temps d’agir pour changer cette réalité», le député Aurélien Taché a publié «Vingt ans après après, les histoires se répètent : la police tue toujours, et les victimes sont les mêmes» et enfin, l’insoumise Ersilia Soudais a déclaré : «Rien n’a changé. L’institution policière continue de tuer».

Des propos suffisants pour énerver les syndicats policiers, qui sont des lobbys d’extrême droite faisant la pluie et le beau temps au Ministère de l’Intérieur. Le syndicat Un1té a dénoncé des propos «diffamatoires» et exigé une plainte de l’État. Le Ministre Laurent Nunez a immédiatement exaucé leurs vœux. Mercredi 29 octobre, il a fait savoir qu’une plainte avait été déposée, et la veille à l’Assemblée il a martelé : «Je ne laisserai jamais dire que l’institution policière tue».

Cette procédure est ridicule, et on se demande même quel pourrait être le motif de la plainte. Car la police tue, c’est un fait objectif, c’est son métier. Elle tue même de plus en plus, il suffit de consulter les chiffres.

Selon un décompte de Bastamag, depuis 1977, au moins 945 personnes sont décédées directement ou indirectement lors d’opérations policières en France, hors antiterrorisme. Cette hécatombe s’accélère, puisque ces 20 dernières années, depuis la mort de Zyed et Bouna, 562 personnes sont mortes lors d’interventions de police. Rien qu’en 2024, 65 morts ont été recensés, un record. Cette violence est donc exponentielle, et dans l’écrasante majorité des cas les responsables ne sont pas inquiétés.

Pourtant, les autorités s’obstinent à tenter de dissimuler cette vérité. En octobre 2021, dans le cadre d’un discours électoral, le candidat du NPA Philippe Poutou dénonçait les violences policières, expliquant que «la police tue» en parlant de «Steve (Maia Caniço) à Nantes, à Marseille pendant une manif des Gilets jaunes une dame qui fermait ses volets, Rémi Fraisse il y a quelques années». Il n’avait fallu que quelques minutes pour que le roquet Darmanin annonce publiquement qu’il «déposait plainte» au nom du ministère de l’Intérieur.

Depuis des années, les proches de victimes de crimes policiers subissent eux et elles aussi un harcèlement judiciaire. Par exemple, Amal Bentousni et Assa Traoré, qui se sont battues pour exiger la justice et la vérité pour leurs frères tués entre les mains des forces de l’ordre, ont toutes les deux subi des poursuites et des procès. C’est la triple peine : subir la mort d’un proche, devoir se battre pour obtenir justice, et subir en retour la répression de toute la machine étatique.

En septembre 2022 à Lyon, des personnes qui collaient des affiches avec le slogan «la police tue» avaient été encerclées par une armada de policiers qui les avaient embarquées et mises en garde à vue. Dans les heures qui suivaient, des sites d’extrême droite, repris par des médias officiels, balançaient le nom et l’âge des interpellés et les qualifiaient de membres de «l’ultra gauche» qui seraient «fichés S». Cela signifie que les policiers avaient livré en pâture les identités de personnes arrêtées.

On pourrait multiplier les exemples encore longtemps. En général, ces poursuites ne mènent à rien, mais elles sont suffisantes pour intimider toute critique de la répression, et pour satisfaire les syndicats policiers d’extrême droite. Ainsi, exprimer un simple fait, évident et vérifié, est devenu dangereux. Ça n’est pas la Russie de Poutine mais la France de 2025.

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