6 Décembre 1914 : Emiliano Zapata et Pancho Villa, à la tête de la révolution mexicaine, entre dans la capitale


Histoire des luttes et des révolutions


Emiliano Zapata, leader de la révolution mexicaine.

L’entrée dans Mexico

Nous sommes le 6 décembre 1914, à Mexico, capitale du Mexique. Emiliano Zapata est assis sur le siège présidentiel, son visage sombre contraste avec le sourire de Pancho Villa qui se tient à ses côtés. Quelques minutes plus tôt c’est lui qui prenait place dans ce même siège le temps d’immortaliser ce moment d’Histoire par une photo.

L’entrée dans la capitale par les armées villistes et zapatistes – qui tirent leurs noms des deux chefs – apparaît comme l’aboutissement d’une révolte purement paysanne, mais l’Histoire montrera que ce n’est que le début d’une longue lutte qui durera encore plusieurs années.

Une histoire mouvementée

L’histoire du Mexique jusqu’au début de la révolution qui débute en 1910 est pour le moins tumultueuse. Après avoir conquis son indépendance face à l’Empire espagnol, une longue période d’instabilité débute. Les coups d’État s’enchaînent, alternant entre régimes libéraux et conservateurs. S’ensuit une guerre avec les États-Unis d’où le Mexique ressortira perdant et cédera une partie de ses territoires. C’est ensuite l’Empire français, alors dirigé par Napoléon III, qui jette son dévolu sur le Mexique. En 1867 la résistance l’emporte et la République est restaurée.

Le Porfiriat

En 1876 débute le règne de Porfirio Diaz. Si le régime apparaît au premier abord comme démocratique, celui-ci durera plus de 30 ans en imposant des élections contrôlées. C’est une longue période de stabilité pour le Mexique, où Diaz force la marche du pays vers la modernisation et le capitalisme : industrialisation, développement des chemins de fer, ouverture aux capitaux étrangers. L’économie du pays se développe, ce qui profite aux riches qui s’accaparent les terres et les moyens de production, mais dans les régions rurales la colère monte au fur et à mesure que les inégalités augmentent.

Morelos, l’État au cœur de la révolte

Le petit État du Morelos, situé au sud de la capitale, est fortement imprégné des traditions indigènes, malgré la colonisation espagnole au XVIème siècle. C’est une terre riche et donc particulièrement propice à la culture de la canne à sucre. Les haciendas, ces immenses exploitations agricoles aux mains de grands propriétaires terriens, sont d’abord travaillées par des esclaves venus d’Afrique. Mais l’interdiction de l’esclavage au début du XIXème siècle va obliger les bourgeois à exploiter les populations métis ou indigènes.

Dans la plupart des régions, les haciendas vont garder leur caractère quasi féodal, mais dans le Morelos elles vont se transformer en monocultures typiques du capitalisme. Les lois du gouvernement Diaz vont contribuer à transformer ces terres en grandes sucreries modernes et, du même coup, transformer les paysans autochtones en péons, de la simple main d’œuvre agricole.

C’est dans le Morelos qu’Emiliano Zapata naît en 1879, dans le village d’Anenecuilco, au début du règne de Porfirio. Ses parents sont de petits propriétaires terriens, ni riches ni pauvres. Il est donc aux premières loges pour constater la spoliation des terres de sa famille, ce qui va faire naître en lui un sentiment révolutionnaire. En 1910 Porfirio Diaz se représente pour un 7ème mandat. En face de lui Madero, ancien élève de HEC – la célèbre école de commerce française, il a fait ses études à Paris – qui possède le soutien de certains capitalistes états-uniens et mexicains. Même s’il n’a rien d’un fils du peuple, sa promesse d’une réforme agraire lui vaut le soutien de Zapata, c’est le début de l’appel à la révolte.

Une technique de guérilla

Les paysans du Morelos se soulèvent alors et forment une milice. La guérilla zapatiste est typique. Les groupes insurgés, formés de péons ou d’habitants de villages, se regroupent en bande de 30 à 300 personnes. Ils montent des petits chevaux du pays ou des mulets pris aux sucreries. Les armes et les munitions sont volées aux troupes régulières.

Leur connaissance du terrain les rend insaisissables pour les troupes du gouvernement Diaz, dirigées par le général Huerta. Ils coupent les communications, attaquent les trains et tendent des pièges aux petits détachements. Les zapatistes obtiennent très vite le soutien des villageois. En représailles, Huerta déporte les villageois du Morelos de peur qu’ils ne ravitaillent les zapatistes.

Le plan de Ayala

C’est pendant cette période que Zapata imagine le plan de Ayala. Ce plan deviendra l’emblème de la révolution zapatiste. Ce programme reflète fidèlement les revendications des villageois dépouillés de leurs terres. Il prévoit de rendre leurs terres aux paysans avec la liberté de les exploiter selon l’ancienne tradition communautaire ou sous le régime de la propriété privée.

Ils prévoient également l’attribution de biens communaux et terres aux villages et habitants qui n’en ont pas, par expropriation du tiers des grands domaines voisins. Les biens de ceux qui s’opposent au Plan seront purement nationalisés.

Une victoire de courte durée

En 1911 Madero met fin au règne sans partage de Diaz. Il appelle les groupes armés à déposer les armes, mais son refus de mettre en place la réforme agraire oblige Zapata à les reprendre dans le sud du pays. Madero est très vite assassiné et c’est Huerta, l’ancien général de Diaz, qui prend le pouvoir. La guérilla continue pour Zapata.

Acculé au nord par l’armée quasi professionnelle de Pancho Villa et impuissant face à la guérilla des zapatistes dans le sud, Huerta abandonne le pouvoir. Les différents chefs révolutionnaires se réunissent pour désigner un nouveau président, d’un côté Villa et Zapata représentent les populations rurales, de l’autre Carranza, qui défend les intérêts de la classe ouvrière encore jeune au Mexique.

Vers une nouvelle Constitution

C’est finalement Zapata et Villa qui ont le dernier mot, mais Carranza refuse le nouveau gouvernement, il est déclaré ennemi de la révolution. C’est le début d’une guerre civile qui durera plusieurs années. Soutenu par les États-Unis et par les syndicats de la classe ouvrière, Carranza réussi à bouter Villa hors du Mexique, au sud Zapata est acculé.

Carranza prend finalement le pouvoir en 1917 et son gouvernement est reconnu par les USA. Malgré la défaite militaire de Zapata, Carranza est obligé d’intégrer le plan de Ayala dans la nouvelle Constitution pour asseoir sa légitimité. C’est une des constitutions les plus progressistes de son époque, le droit de grève est rétabli, le temps de travail limité à 8 heures et l’égalité salariale entre les hommes et les femmes garantie.

L’ultime trahison et héritage

Tout semble alors réuni pour que Zapata dépose les armes mais la constitution d’un gouvernement conservateur va le pousser à continuer son interminable guérilla. Il appliquera son propre programme dans l’état du Morelos pendant quelques années malgré la répression sanglante de Carranza.

Zapata sera finalement assassiné par un homme de main de Carranza en 1919. Privé de son leader, la guérilla finit par s’essouffler. Malgré sa mort, Zapata a porté les revendications des paysans mexicains si haut que les différents dirigeants mexicains ont été obligés de les appliquer dans leurs programmes. Sa science de la guérilla et son plan n’ont jamais cessé d’inspirer de nombreuses révoltes que ce soit au Mexique ou ailleurs dans le monde.

Aujourd’hui encore les communautés indigènes du Mexique se reconnaissent dans son combat contre les grands propriétaires terriens, notamment au sein de l’EZLN – l’Armée Zapatiste de Libération Nationale.

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