Nantes : les éducs de rue en grève depuis des semaines


Depuis le 19 novembre, les éducateurs de rue du département de Loire-Atlantique sont en grève, et ils ne sont pas prêts de reprendre le boulot ! On a interrogé Julien Menec, syndicaliste à SUD Santé-Sociaux, qui n’a pas l’intention de lâcher le morceau.


Devant le département de Loire-Atlantique, les banderoles des éducs de rue posent le débat.

On parle d’éducs de rue en grève, mais à quoi correspondent vos métiers ? À quoi ça sert un éduc de rue ?

Éducateur de rue c’est aider des jeunes des quartiers populaires à trouver des solutions aux difficultés qu’ils rencontrent que ce soit au niveau de la justice, des relations familiales, de l’insertion professionnelle, de la santé, du logement etc. Un vrai couteau suisse en lien avec plein d’institutions, du moins ce qu’il en reste.

Les éducs de rue sont en grève depuis le 19 novembre. Qu’est-ce qui a déclenché ce mouvement ?

Le mécontentement a pris sa source depuis la création du GIP en 2012, le Groupement d’Intérêt Public. Déjà là, on nous promettait des hausses de salaire en passant du privé à la fonction publique. On nous a mentis. La réaction a tardé, une première manifestation sur les salaires en mars 2024 n’a pas été entendue, puis en 2025 on nous a annoncés un passage aux 1607h avec une perte de 4 semaines de congés payés sans revalorisation.

Trop c’est trop : pas de remboursement de la mutuelle, gel des salaires, augmentation des salaires soumis à l’évaluation de managers toxiques et incompétents. Le mot d’ordre de notre direction c’est qu’on doit travailler plus pour gagner moins, et rester sages. C’est hors de question.

Est-ce que cette grève, longue et reconductible, avait été préparée et anticipée ou est-ce que ça a été spontané ?

Cette grève fait suite à plusieurs années de tentatives de négociations avec notre direction. On avait évoqué cette idée depuis plusieurs mois. On aurait aimé l’éviter, mais en cette fin d’année 2025 et un passage aux 1607h envisagé en janvier 2026 qui entraîne une perte de 4 semaines de congés nécessaires sans aucune compensation financière. On n’a donc pas eu d’autres choix !

Notre statut actuel nous contraint à toutes les obligations de la fonction publique et ne nous ouvre aucun droit : pas de mutuelle, pas de Compte de Formation Professionnelle, pas de mobilité facilité entre services, pas de sécurité de l’emploi, pas d’accès aux concours… C’est une attaque sans précédent sur nos droits !

La solidarité s’organise avec une caisse de grève qui vous permet de tenir dans la durée. Comment fonctionne le partage ?

Nous faisons un point hebdomadaire sur les caisses de grève (en ligne et en espèce) et tenons à jour le nombre de grévistes. Nous ferons une répartition équitable, quelque soit le salaire, au prorata du nombre de jours de grève entre tous les salariés. Des salariés ont indiqué qu’ils renonçaient à bénéficier des caisses de grève et préféraient qu’elles profitent à d’autres. De plus, le syndicat SUD verse une caisse de grève parallèle aux salariés syndiqués qui sera redistribuée sous forme de coup de pouce pour les salariés les plus en difficulté sans demande de justificatif.

Vous avez eu des réponses ou des interactions avec la hiérarchie depuis le début du mouvement ? Pourquoi c’est si long ?

Aucune réponse depuis le 19 novembre, aucune rencontre, un temps avec notre directrice qui n’a répondu à aucune de nos revendications. Le département et les élu·es du GIP sont nos interlocuteur·ices et font les morts. Nous avons eu une proposition de rendez-vous mercredi dernier mais au final la rencontre a été annulée sans explication.

Le mouvement est long car, contrairement au privé ou à d’autres fonctions publiques, notre service constitué en GIP est invisible à l’opinion publique. La fonction et les missions des élu·es départementaux sont illisibles et flous pour la majorité de la population. C’est donc un levier difficile à actionner en terme de rapport de force.

Tu es représentant syndical pour SUD Santé-Sociaux, quel a été le rôle des syndicats dans le déclenchement de la grève ?

Nous sommes représenté·es par SUD santé sociaux et par la CGT protection de l’enfance. Notre rôle a été d’impulser et d’animer l’engagement de la grève et le mouvement en général, d’allumer la mèche. C’est nouveau que des éducs s’engagent à ce point là dans une grève aussi longue, ce n’est pas dans le habitudes du secteur.

Si nous portions beaucoup de choses (assemblée générale, liens avec la presse…) au début à quelques un·es, notre mouvement s’est transformé par l’autogestion. Plusieurs commissions organisent la grève, actions, caisse de grève, logistique et communication. Ces groupes sont maintenant autonomes. Les syndicats donnent des outils et une dynamique de lutte, mais pour fonctionner la grève doit être portée par tout le monde et dépasser le cadre syndical.

Pour le moment la grève tient le coup, mais si vous n’obtenez toujours aucune réponse qu’est-ce que c’est le palier suivant ? Vous prévoyez d’autres actions pour durcir le bras de fer avec le département ?

Pendant 2 semaines et demi de grève nous avons multiplié les rassemblements, les manifestations et des interpellations de la direction, des élus des villes et du département… Le mouvement se transforme, plus le temps passe, plus la frustration et la colère monte. Notre dernière action a été d’investir la mairie de Saint-Herblain pour interpeler un élu, également membre du conseil d’administration du GIP. Si nous continuons à ne recevoir que du mépris de la par de notre administration, on continuera à monter en pression jusqu’à avoir gain de cause.

Un truc à ajouter ou qu’il faudrait savoir sur le mouvement ?

C’est une manière de parler des difficultés du travail social et médico-social avec un focus sur les difficultés grandissantes des quartiers populaires (violences policières, pauvreté). De manière générale les métiers à « haute valeur sociale » (éducs, profs, aides-soignant·es, caissier·es, éboueur·ses…) sont très peu reconnus économiquement dans notre société. On leur oppose bien trop souvent les métiers à valeur productive et spéculative (gestionnaire de biens, publicitaires…) qui ne font que nourrir les intérêts de quelques-uns et qui, bien souvent, sont même nocifs pour notre société. Il est temps d’inverser la tendance.


Pour soutenir les éducs en lutte, vous pouvez contribuer à leur caisse de grève pour que leur mouvement dure jusqu’à la victoire.


Depuis cet entretien, les grévistes ont obtenu un rendez-vous avec les élus du département le jeudi 11 décembre. En attendant la grève continue : un concert de soutien aura lieu jeudi au BB’O, sur l’île de Nantes, à partir de 19h !

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