Décembre 1973 : la première mutinerie de l’histoire de la conquête spatiale


Quand les astronautes étasuniens se mettaient en grève à bord d’une station spatiale pour dénoncer leurs conditions de travail


Des astronautes en apesanteur dans la station Skylab, lieu de la première mutinerie spatiale.

L’histoire est fascinante. Elle s’est déroulée dans l’espace en orbite terrestre basse. Le contexte : la guerre froide, l’affrontement idéologique entre deux blocs et la conquête de l’espace. Les deux grandes puissances, les USA et L’URSS, se livrent une rude bataille dans le cosmos. Skylab – « laboratoire du ciel » en français – est la première station spatiale lancée par la NASA. Elle a été développée pour faire suite au programme des missions Apollo. La station Skylab est mise en orbite le 14 mai 1973. Elle pèse 90 tonnes et mesure 35 mètres de long. Plusieurs équipes vont y être envoyées par l’agence spatiale américaine afin d’y mener des recherches scientifiques.

Le 28 décembre 1973, les trois astronautes Carr, Gibson et Pogue, de la mission Skylab 4, coupent les communications avec le centre de contrôle sur terre. Pendant 90 minutes, silence radio. Au sol, c’est la panique. Les contrôleurs de l’agence spatiale américaine envisagent tous les cas de figure. Un incident technique, un accident, une collision avec un objet céleste, jusqu’à évoquer la possibilité d’un piratage du module par l’Union soviétique… Tout y passe. D’autres envisagent même un acte de rébellion des chercheurs dans la station. Pourquoi émerge un tel scénario du côté de la NASA ? Une mutinerie aurait-elle eu lieu au-dessus de nos têtes, tout là-haut dans l’espace ?

Les trois hommes seraient donc des rebelles, les premiers mutins de l’espace. Ceci constitue une hypothèse sérieuse. En effet, les scientifiques à bord de la station spatiale sont exténués par la charge de travail. Pour accumuler un maximum de connaissances sur l’espace, ils multiplient les expériences et les observations. Des journées interminables et harassantes de 16 heures de travail par jour, entrecoupées de séance de sport pour garder une forme physique irréprochable lorsque l’on vit en apesanteur.

Le reste des 8 heures de la journée sont destinées à la récupération. C’est-à-dire à dormir. Il n’y pas de vrai temps libre, de repos où l’on peut admirer la terre, les astres et les étoiles. Les jours précédents, les astronautes se plaignent auprès des agents de la NASA restés au sol et chargés de la surveillance de ce dur labeur. Le planning est surchargé. Ils demandent un allègement à leur supérieur. Mais les dirigeants du programme Skylab ne veulent rien entendre. Ils refusent d’accéder à leur requête.

Ainsi va être déclenchée la première grève de l’histoire de l’Espace. À l’heure du briefing quotidien, les scientifiques décident de rompre la communication avec l’agence spatiale. Il n’y a plus de connexion pendant au moins 1 heure 30. Ce mini débrayage va suffire pour convaincre l’agence d’accéder aux revendications des chercheurs. En moins de 24 heures, ils allègent la charge de travail sur la station. Un acte court et bref aura suffit à faire plier les chefs de la NASA.

Cependant l’agence spatiale américaine va tout faire pour étouffer l’affaire. Pas question de révéler qu’une équipe de scientifiques étasuniens, dignes représentants de l’Empire, a fait grève à bord d’une station spatiale en pleine guerre froide. Les USA sont censés incarner l’ordre capitaliste contre les soviétiques qui défendraient la lutte des classes. Cela fait mauvais genre.

À l’époque personne n’a donc vent de cette rébellion des astronautes de Skylab 4. C’est seulement quelques mois plus tard, grâce à un journaliste du New Yorker, que la mutinerie de l’espace refait surface. Dans son édition de l’été 1974, le prestigieux journal relate les faits de la première grève aérospatiale de l’histoire de l’humanité et le mal-être des scientifiques croulant sous les travaux demandés par la NASA…

Rendons hommage à ces trois rebelles. Leur mission a duré 84 jours, et les astronautes vont cumuler jusqu’à 6.051 heures d’expériences scientifiques dans les domaines de la médecine, d’observations solaires, des ressources de la Terre, de l’observation de la comète Kohoutek entre autres. Un travail titanesque. Mais tout le monde devrait avoir droit à un peu de temps libre et travailler dignement, même les astronautes de l’empire. Du côté des autorités étasuniennes, on continue jusqu’à ce jour de nier l’évidence et le moindre incident. Mais personne n’est dupe.


Pour aller plus loin : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-mercredi-29-septembre-2021-3008264

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