Rouleau compresseur néofasciste : le gouvernement veut dissoudre Urgence Palestine et la Jeune Garde !

Un rouleau compresseur, tel un gouvernement qui voudrait tout dissoudre sur son passage.

Comment appelle-t-on un gouvernement en guerre contre l’antifascisme et l’anticolonialisme ? N’allons pas par quatre chemins : un gouvernement fasciste et colonialiste. Alors qu’un musulman vient d’être assassiné dans une mosquée et que les actes et les paroles racistes explosent, le Ministère de l’Intérieur s’apprête à démanteler deux collectifs qui luttent contre le racisme !

Mardi 29 avril, le collectif Urgence Palestine a reçu une notification de procédure de dissolution. Ce mercredi 30 avril, Bruno Retailleau choisit l’antenne du média de Bolloré Europe 1 pour officialiser l’annonce : «Je procéderai à la dissolution d’Urgence Palestine» et explique qu’il constitue un dossier contre le groupe «depuis plusieurs mois». La veille, à l’Assemblée Nationale, le même ministre annonçait son projet de dissoudre la Jeune Garde, l’un des principaux collectifs antifascistes de ce pays.

Un nouveau palier dans la répression de la cause Palestinienne

Urgence Palestine est l’une des plus importantes organisations de soutien à la Palestine en France, qui compte des centaines de membres dans de nombreuses villes, et apporte des informations cruciales sur la situation à Gaza et dans les territoires occupés tout en menant des mobilisations nécessaires.

Sa dissolution est réclamée depuis des mois par Julien Odoul, député du Rassemblement National, récemment condamné par la justice. «En s’y pliant, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau aligne la répression de l’État français sur les mots d’ordre de l’extrême droite et du gouvernement israélien» rappelle Urgence Palestine. Nous avons en France un gouvernement non élu qui applique littéralement le programme du RN.

Les attaques contre le mouvement de soutien à la Palestine s’intensifient lieu depuis maintenant un an et demi : interdictions systématiques de manifestations pour Gaza durant l’automne 2023 – un cas unique au monde –, procédures anti-terroristes contre des soutiens de la cause palestinienne, poursuites et condamnations innombrables, campagnes de diffamation et de désinformation, menaces de mort… C’est aujourd’hui un important groupe de soutien à la Palestine qui pourrait disparaître.

Urgence Palestine a déjà été visée par des attaques. Le 28 mars, Instagram supprimait le compte de l’organisation, qui était suivi par 88.000 personnes. Et le week-end dernier encore à Montpellier, une manifestation pro-palestinienne, déclarée en préfecture, était interdite au dernier moment.

Un collectif de soutien à la Palestine a déjà été dissout : «Palestine Vaincra», une structure basée à Toulouse. Le 24 févier 2022, le Premier Ministre de l’époque, Jean Castex, avait annoncé la procédure. Il a fallu trois ans de bataille judiciaire pour que cette dissolution soit validée, le 20 février dernier par le Conseil d’État. La plus haute juridiction administrative de France approuvait la dissolution car des commentaires «haineux» n’avaient pas été modérés sur les réseaux sociaux du groupe. Autrement dit, le collectif était considéré comme responsable de mots qu’il n’a pas écrit, mais qu’il aurait tardé à supprimer. C’était un précédent gravissime qui n’a pas fait assez de bruit.

Demain, n’importe quel groupe ou média qui laisse des commentaires qui déplaisent au pouvoir peuvent être attaqués. Et la procédure visant Urgence Palestine, après Palestine Vaincra, est un prélude à la dissolution de toute parole pro-palestinienne. On se souvient que les soutiens de Netanyahou en France appelaient aussi à dissoudre le NPA et la France Insoumise pour les mêmes raisons.

Une attaque frontale contre l’antifascisme

«Je veux vous confirmer que dans quelques heures, la procédure contradictoire contre la Jeune Garde qui doit amener, je l’espère, à cette dissolution, sera engagée» a déclaré Bruno Retailleau, interrogé par le député RN Sébastien Chenu. Ici encore, le ministre exauce les désirs de l’extrême droite, alors même que des commandos fascistes multiplient les attaques dans tout le pays.

Il y a encore 20 ans, l’antifascisme était une valeur commune non seulement à gauche, mais dans la majorité du spectre politique : ne pas être antifasciste, c’était être fasciste, cela tombait sous le sens. C’est un véritable effondrement moral et politique qui a lieu : désormais, c’est s’opposer à l’extrême droite qui est criminalisé. La Jeune Garde est un collectif antifasciste actif depuis 2018, et auquel appartient le député Insoumis Raphaël Arnault.

En 2022, c’est le Groupe Antifasciste Lyon et Environs qui était dissout en Conseil des Ministre. C’était le premier collectif antifa visé par une telle procédure. Selon l’État, le groupe avait «légitimé» des actions «par un discours idéologique dirigé contre la violence et le racisme d’État», s’était réjouit de la dégradation d’un local néo-nazi à Lyon sur sa page Facebook, et aurait publié des «incitations» à des violences. Ce qui était jadis considéré comme de la liberté d’expression fondamentale expose désormais à une répression implacable.

En 2024, le Conseil d’État jugeait cette dissolution «adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public». Un scandale, qui permet désormais au gouvernement d’attaquer un autre collectif antifasciste. Sera-t-il bientôt interdit de critiquer l’extrême droite ?

Les dissolutions : une longue histoire autoritaire

Une dissolution est, en principe, une mesure exceptionnelle : elle permet de démanteler un groupe ou une association de façon extrajudiciaire, sur décision du Premier Ministre. Les «dissolutions administratives» apparaissent dans les années 1930, dans un contexte de montée du fascisme dans toute l’Europe. L’extrême droite française ne cache pas son intention de renverser la République, et le 6 février 1934 des Ligues Fascistes attaquent le Parlement. L’émeute fait plusieurs morts. Quelques jours plus tard, une manifestation antifasciste a lieu, elle aussi réprimée, avec à nouveau des morts.

En 1936, la gauche arrive au pouvoir avec la victoire du Front Populaire. C’est ainsi que sont utilisées les premières dissolutions administratives : elles ont pour but de «protéger la République» contre les menaces des «milices armées» d’extrême droite. Les Ligues sont donc dissoutes. Mais très rapidement, la mesure est utilisée bien au delà de la menace fasciste : des collectifs anticolonialistes, algériens notamment, sont à leur tour dissous dès 1937. Puis ces procédures frapperont des collectifs indépendantistes basques, bretons, kanaks, des associations kurdes, mais aussi des groupes d’extrême droite. Elles resteront cependant rares et exceptionnelles.

Près d’un siècle plus tard, tout change en 2021 quand Darmanin fait voter la «Loi séparatisme». Cette loi est un recul majeur pour les libertés publiques et une attaque frontale contre les droits associatifs. Elle permet de dissoudre non pas les associations qui «menaceraient la République» ou qui seraient des «milices de combat», mais tout groupement «incitant à la violence contre les biens et les personnes». Ce qui ne veut rien dire : appeler à une manifestation est-elle une incitation ? Dénoncer les violences policières, est-ce une incitation ? En réalité, la «Loi séparatisme» étend massivement la possibilité de dissoudre toute association opposée au gouvernement.

Cette mesure a immédiatement frappé plusieurs collectifs musulmans, notamment le CCIF – comité contre l’islamophobie en France – ou encore du CRI – comité contre le racisme et l’islamophobie. Le décret de dissolution expliquait qu’un représentant de cette association aurait «proféré des propos incitant les jeunes des quartiers populaires à se rebeller» lors d’une «manifestation publique visant à dénoncer la partialité des forces de l’ordre, de la municipalité et des magistrats présentés comme islamophobe».

Dénoncer le racisme, l’islamophobie ou appeler à la rébellion justifie dès lors la dissolution administrative d’une association. Loin, très loin de la menace de coup d’État fasciste de 1934. La procédure est devenue une arme pour mettre au pas les ennemis intérieurs, notamment les minorités et les contestataires. Une épée de Damoclès au-dessus de tout collectif dérangeant.

Le nombre de dissolutions a donc explosé ces dernières années : Macron a dissout plus d’associations et de groupements que tous ses prédécesseurs depuis le début de la 5ème République. Des collectifs de défense de la Palestine ont été ciblés, mais aussi des collectifs antifascistes – comme la GALE à Lyon, pour de prétendues «provocations» sur internet, donc un délit d’opinion –, des associations anticapitalistes comme le Bloc Lorrain ou encore notre média en 2022, qui s’appelait alors Nantes Révoltée.

Face à la mobilisation, le gouvernement a parfois dû reculer. Cela a été le cas pour Nantes Révoltée ou les Soulèvements de la Terre, qui avaient reçu un soutien populaire massif. Mais dans la majorité des cas, la procédure va à son terme.

Depuis le 7 octobre, le gouvernement et des députés de droite ont menacé de dissolution de nombreux collectifs de soutien à la Palestine, mais aussi des partis de gauche, et même tenté d’intimider les associations féministes de couper leurs subventions si elles désobéissaient au narratif officiel à propos de Gaza. Ce qui se passe est gravissime. Une seule dissolution, c’est un recul pour toutes et tous.


Arrêtons la machine à dissoudre, il en va de la possibilité même de s’organiser et de s’exprimer.


Une pétition contre la dissolution d’Urgence Palestine

Pour aller plus loin, vous pouvez lire le livre « Dissoudre », de Pierre Douillard-Lefevre, Editions Grevis, 2024.

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