Bientôt 700.000 signataires pour la pétition contre la loi Duplomb, mais cela ne suffira pas pour battre le lobby des empoisonneurs

«Vous êtes les alliés du cancer et nous le ferons savoir !» C’était le cri du cœur de Fleur Breteau, la fondatrice du collectif Cancer colère à l’Assemblée Nationale le 8 juillet. Elle-même atteinte de cette maladie, visiblement éprouvée physiquement par une chimiothérapie, elle témoignait sa colère face aux députés qui venaient de voter la Loi Duplomb.
Duplomb, c’est le nom du Sénateur LR qui a rédigé le texte. La loi est cyniquement intitulée «Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur». En réalité, elle a été dictée directement par le lobby des pesticides. Cette loi est un concentré de mesures écocidaires, visant à rendre service aux géants de l’agro-industrie et à tuer la paysannerie : soutien aux mégabassines, réautorisation des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, autorisation de drones pulvérisateurs de pesticides, facilitation d’implantation d’élevages intensifs, limitation du contrôle démocratique… Une galerie des horreurs qui va détruire les sols, tuer la biodiversité, empoisonner la population et ne bénéficier qu’aux gros exploitants.
Dénoncée par 22 sociétés savantes médicales, par la Ligue contre le cancer, les personnels de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, la Confédération Paysanne, la Fondation pour la recherche médicale, des mutuelles, groupes mutualistes, le Conseil scientifique du CNRS, la Fédération des régies d’eau potable, des centaines de médecins et de chercheur … elle a pourtant été adoptée à l’unisson par les sénateurs macronistes, LR et RN. Un déni démocratique mais aussi scientifique.
Fleur Breteau en est certaine, la Loi Duplomb «va faire des milliers de malades, dont des enfants et des enfants à naître». Les cancers pédiatriques augmentent fortement à proximité des zones d’agriculture intensive. Les députés ont voté pour la mise à mort de nombreuses personnes.
Face à la légitime colère de cette femme, les députés de gauche ont applaudi, mais les rangs de la droite et de l’extrême droite ont ricané, se moquant ouvertement de la détresse d’une personne gravement malade, et des conséquences de leur vote.
Pourtant, la mobilisation contre la Loi Duplomb a été massive : des mégabassines ont été sabotées la veille du vote, des manifestations ont eu lieu dans tout le pays devant des bâtiments agro-industriels, des alertes et des tribunes ont été signées. Mais la FNSEA et les vendeurs de poison sont plus puissants que la volonté populaire.
Deux jours après ce vote scandaleux, une pétition a été déposée sur le site de l’Assemblée Nationale, réclamant l’abolition immédiate de la loi : «Elle représente une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens» expliquait le texte.
En une semaine, elle avait recueilli 100.000 signatures. À partir de ce seuil, une pétition homologuée sur le site du Parlement doit être «examinée par l’une des huit commissions de l’Assemblée nationale qui doit émettre un rapport».
Mais elle a continué d’exploser tous les plafonds : ce 19 juillet, elle a dépassé les 650.000 signataires. C’est du jamais vu. Lorsqu’une pétition officielle dépasse les 500.000 signatures, issues d’au moins 30 départements, «un président de groupe ou de commission peut demander à la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale qu’elle soit débattue à l’Assemblée».
La loi sera donc peut-être discutée, mais ce débat ne sera pas suivi d’un vote, car une pétition n’a pas de force contraignante. Elle «peut cependant alerter l’opinion, les médias, interpeller les pouvoirs publics et permettre d’ouvrir le débat» explique un juriste. Dans l’histoire de la Cinquième République, aucune pétition n’a jamais été débattue dans l’hémicycle.
En avril 2023, alors que des millions de manifestants étaient dans la rue contre la réforme des retraites, la gauche molle diffusait une pétition pour dissoudre la BRAV-M, cette unité de police ultra-violente qui sème la terreur à Paris, comme le moyen miraculeux de faire reculer la répression. Elle avait recueilli plus de 260.000 signatures. La commission des lois devait décider soit de débattre du texte, soit de classer la pétition. Cela a duré moins de 10 secondes : le rapporteur macroniste au Parlement a estimé que cela visait à «décrédibiliser» la police. Le député Sacha Houlié, en commission des lois, a proposé le classement de la pétition. Ratifié à main levée immédiatement. Circulez, y’a rien à voir.
Si cette pétition contre les pesticides montre une véritable lame de fond populaire contre l’agro-industrie, elle ne suffira pas à faire abroger la Loi Duplomb, ni à mettre hors d’état de nuire les empoisonneurs, qui ont leurs relais au cœur même du gouvernement. Cet élan pétitionnaire doit donc être accompagné de mobilisations de masse, sur le terrain, contre les firmes qui fabriquent ces produits, contre la FNSEA, les mégabassines, et autres incarnations de l’écocide.
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