Proposition de loi votée au Sénat : permis de tuer pour l’agro-industrie


Soutien aux méga-bassines, réautorisation des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, autorisation de drones pulvérisateurs de pesticides, facilitation d’implantation d’élevage intensif, limitation du contrôle démocratique : le profit de l’agro-industrie avant la vie


Un agriculteur en combinaison disperse un pesticide sur un champ : l'agro-industrie a le droit de tuer le vivant.

Le texte qui a été voté ce mardi 28 janvier, intitulé « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » – un titre bien vendeur – est un recul énorme pour le vivant, la santé publique, l’agriculture et la démocratie. Et pourtant, il a été adopté à l’unisson par tous les sénateurs macronistes, LR et RN. Encore une preuve de leur symbiose idéologique.

Marie-Lise Brice, porte-parole de la Confédération paysanne 43, a réagi : « On peut mettre autant de pesticides qu’on veut, ils n’arrêteront ni la pluie, ni le gel printanier, ni les problèmes climatiques locaux ». Mais le but n’est pas de trouver des solutions à ces problèmes, simplement de faire fructifier les bénéfices de l’industrie phytosanitaire et de l’agro-industrie.

Un texte par et pour les industriels de la FNSEA

Ce texte est porté par le Sénateur LR Laurent Duplomb, qui était président de la FNSEA auprès de la chambre d’agriculture de Haute-Loire et membre du conseil de surveillance de Candia, géant de l’industrie laitière.

De son côté, Annie Genevard, ministre de l’agriculture ultra conservatrice, raciste, transphobe et paillasson de la FNSEA, a apporté son plein soutien au projet de loi. Rappelons-le, cette dame qui réclamait une amende de 50.000 euros pour les militants et militantes filmant les élevages industriels avait pour suppléant, en tant que députée, Éric Liégeon, ancien secrétaire général et vice-président de la FNSEA du Doubs. Ce projet de loi a donc été cadré par la FNSEA.

En somme, ce projet de loi est directement écrit par le lobby agro-industriel. Composé de 6 articles seulement, c’est un cocktail de mesures qui sont de véritables bombes environnementales.


Aperçu du désastre :


Faciliter la vente de pesticides

L’article 1 scelle la victoire totale de l’industrie phytosanitaire. Il « revient sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques, une mesure jugée contreproductive ». Contreproductive pour qui ? Les industriels des pesticides. En effet, depuis 8 ans, il était interdit aux vendeurs de pesticides d’être également conseillers auprès des agriculteurs et agricultrices sur le sujet : le simple bon sens pour éviter le conflit d’intérêt et permettre un choix éclairé. Ce même article rend facultatif le conseil stratégique sur les pesticides. Après tout, pourquoi s’embêter à se renseigner sur les produits dangereux qui vont contaminer nos sols pour des décennies ?

Par contre, l’article réautorise les « remises, rabais et ristournes à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques ». Cette mesure n’a qu’un seul objectif : faciliter la vente de grandes quantités de pesticides et d’engrais, permettre aux industriels de se gaver au détriment de tout le reste. La logique néolibérale tous azimut. Empoisonner les sols, l’eau, le vivant, la nourriture qui nous fait vivre, c’est rentable. Le média Reporterre rappelle que la France est déjà le deuxième pays à utiliser le plus de pesticides en Europe. Mais ça, Monsieur Duplomb se garde de le mentionner.

Les contre-pouvoirs désarmés face aux néonicotinoïdes

L’article 2 s’attaque aux contre-pouvoirs démocratiques en permettant au ministre de l’Agriculture de « suspendre, dans certaines conditions, une décision de l’Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail – en matière d’homologation de produits phytopharmaceutiques ». Il autorise également la pulvérisation de pesticides par drones et signe le grand retour des néonicotinoïdes, ces terribles insecticides tueurs d’abeilles interdits depuis 2018 après des années de lutte.

Les syndicats apicoles, qui fabriquent le miel, sont vent debout devant cette réautorisation qui les mène droit dans le mur. Un « mur de la honte » qu’ils ont décidé de matérialiser devant la permanence de Monsieur Duplomb le 1er février : « Le mur de Berlin symbolisait la scission du monde en deux idéologies. C’est bien cette opposition qui sera représentée ».

Fermes-usines et méga-bassines

L’article 3 va permettre de faciliter l’installation de fermes usines ultra-polluantes en instaurant une simplification des règles. En France, à l’heure actuelle, 60% des animaux d’élevage sont concentrés dans 3% des fermes. On est bien loin du fantasme de la défense des petits éleveurs et éleveuses, un mythe mis en avant par la droite. Les recours légaux contre ces installations sont également rendus plus difficiles.

L’article 5 est un soutien massif aux méga-bassines et un recul énorme dans la définition des zones humides. Mais surtout, il introduit un changement gravissime dans la hiérarchie des usages de l’eau. Ainsi, l’agriculture passerait en seconde position des usages prioritaires, devant la préservation de la vie aquatique et des rivières. Une mesure qui va encore une fois à l’encontre de toutes les études scientifiques sur le cycle de l’eau.

Donald Trump a son « Drill baby drill » – «Fore, chéri, fore» en anglais, un slogan républicain pour intensifier l’exploitation d’hydrocarbures – pour les industriels du pétrole. Chez nous, c’est « pompe, chéri pompe » pour les agriculteurs irrigants, qui ne représentent que 6 à 10% des agriculteurs. Une mesure absurde, alors même que la méga-bassine de Saint-Soline a été déclarée illégale il y a quelques semaines seulement, et que la gestion de l’eau devient chaque année un enjeu de plus en plus conflictuel.

Impunité organisée pour les pollueurs

Enfin, l’article 6 affaiblit grandement l’OFB, l’office français de la biodiversité qui serait tenu « de privilégier la procédure administrative, pour éviter autant que faire se peut des procédures judiciaires, ces dernières ayant pu être jugées infamantes ». L’OFB vérifie par exemple si les agriculteurs n’utilisent pas de produits chimiques interdits ou ne dépassent pas les seuils de pesticides autorisés. Autrement dit, laissez les pollueurs polluer tranquilles.

Encore une fois, les macronistes et l’extrême droite qui dénoncent en permanence le «laxisme» des autorités en matière de délinquance sont en train de démanteler la police de l’environnement – déjà bien démunie – pour garantir l’impunité totale des pollueurs et de la délinquance écologique.


C’est donc ce texte, qui nous fait faire un bond en arrière phénoménal, qui a été voté cette nuit. Une nouvelle pièce dans la machine de destruction du vivant.


Les élections professionnelles auprès des chambres d’agriculture ont lieu en ce moment, jusqu’au 31 janvier. Camarades qui travaillez la Terre, vous pouvez aller voter pour un autre modèle que l’agro-industrie. Ça ne bouleversera pas le monde mortifère que construit le capitalisme, mais cela pourrait aider à la création d’espaces de luttes victorieuses !

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Une réflexion au sujet de « Proposition de loi votée au Sénat : permis de tuer pour l’agro-industrie »

  1. La bourgeois ne manque pas d’air et c’est bien dommage, avec elle tout y passe, nos rêves, nos vies et la planète.

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