Le groupe Ministry est un «nettoyant industriel pour l’âme musicale», définit un jour un auditeur avisé. Fondé au début des années 1980 à Chicago, Ministry a traversé les décennies en se réinventant sans cesse, sans jamais renier ses idées politiques.

De la synthpop du début en 1983 aux morceaux thrash contre Bush des années 2000, en passant par les expérimentations des années 90 et l’explosion du style metal indus dans l’album «Psalm 69» sorti en 1992, combien de groupes auront autant traversé d’années et tâté autant de genres différents tout en restant aussi férocement attaché à leurs convictions de gauche ? Récemment encore, le fondateur de Ministry, le chanteur Al Jourgensen, déclarait «plutôt Bernie Sanders que Démocrates».
En 2018, lors de la sortie de l’album AmeriKKKant, résolument anti-Trump et contenant la chanson sans équivoque “Antifa”, l’alt right américaine avait mené une de ses stratégies favorites en lançant des raids numériques pour faire baisser la note du disque sur les plateformes en ligne. C’est la même méthode qu’ont utilisé les fascistes français contre les films “Avant que les flammes ne s’éteignent” ou “Rodéo”.
Ce n’est pas une surprise, le chanteur Al Jourgensen à l’origine de Ministry a depuis toujours revendiqué être un ennemi du Parti républicain. Il avait même été viré d’un de ses premiers jobs après s’être déclaré déçu de l’échec d’une tentative d’assassinat contre Reagan devant son employeur. Ses sympathies de «gauche» ne sont un secret pour personne : «Je serais le premier à descendre dans la rue et me prendre des lacrymo» a-t-il déclaré à propos du mouvement Occupy Wall Street et de sa chanson «99%».
Revenons à l’année 1992 : à cette époque, le groupe Nirvana redéfinit le son du rock et remplace Mickael Jackson à la première place du Billboard, Bill Clinton vient d’être élu et Los Angeles connaît la plus grosse émeute de son histoire – entre 800 millions et 1 milliard de dollars de dégâts. C’est cette année là que déboule un album imprévisible, baptisé «Psalm 69», d’un genre innovant : la fusion de la musique industrielle débarquée de l’Angleterre – née dans les usines anglaises, d’où son nom – et du tranchant des guitares thrash metal au martèlement apocalyptique. L’équipe de Ministry va alors renvoyer les Backstreet boys et autres New kids on the Block dans la tôle froissée et carbonisée du néolibéralisme made in Reagan.
NWO pour «New World Order» est le premier clip du groupe, s’ouvrant sur un brasier géant, images des émeutes de L.A suite à la relaxe des flics ayant tabassé au sol Rodney King, accompagnant des rythmiques hypnotiques, des boucles de samples d’Apocalypse Now et des extraits de discours de George Bush (senior). Jamais déflagration musicale ne fut aussi étonnante, inattendue, un requiem parfait pour nos sociétés thermo industrielles.
Un «New World Order» néolibéral en ordre de marche, volume sonore poussé au max, à écouter ici.
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