Préparons-nous à un coup de force politique sans précédent : analyse et perspectives face à la dissolution qui vient

C’est une valse à trois temps imaginée par Macron, qui se prend pour Machiavel : annoncer en plein été un plan d’austérité scandaleux et la suppression de deux jours fériés. Face à l’immense tollé provoqué par ces annonces, engager la responsabilité de son Premier ministre François Bayrou, que tout le monde méprise, y compris Macron lui-même. Et en cas de refus du Parlement, faire sauter Bayrou et organiser de nouvelles élections en urgence, afin de saboter la contestation sociale et mettre l’extrême droite au pouvoir.
Voilà le scénario qui se dessine de plus en plus clairement depuis 24 heures, et qui promet une rentrée sportive en France. Le 25 août au soir, Bayrou a annoncé qu’il engagerait le 8 septembre la «responsabilité du gouvernement» devant l’Assemblée Nationale. C’est-à-dire que si la majorité des députés ne vote pas cette confiance, il est tenu de démissionner. Ce vote aura lieu deux jours avant le grand mouvement de blocage annoncé depuis le début de l’été, pour prendre de vitesse la colère populaire.
Depuis cette annonce, les réactions se multiplient : Marine Le Pen déclare que le RN votera «contre la confiance» et que «seule la dissolution permettra désormais aux Français de choisir leur destin». Son bras droit, le député d’extrême droite Sébastien Chenu, parade sur Cnews pour réclamer de nouvelles élections afin «d’obtenir enfin une majorité pour changer de cap». Jordan Bardella dit la même chose : «François Bayrou vient d’annoncer la fin de son gouvernement, miné par son immobilisme satisfait. Nos compatriotes attendent une alternance et un retour aux urnes : nous y sommes prêts».
Un indice encore plus clair vient de Darmanin, ministre de la justice de Macron, qui affirme : «Il ne faut pas écarter» l’hypothèse d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée Nationale. Le 22 avril dernier, le média Étasunien Bloomberg lâchait déjà cette révélation explosive : Emmanuel Macron préparait une nouvelle dissolution de l’Assemblée Nationale, et donc de nouvelles élections, dès cet automne. Une information démentie par l’Élysée à l’époque, mais qui est désormais une hypothèse plus que probable.
Macron imagine qu’en cas de campagne éclair, cela fera taire les manifestations, obligera les partis de gauche à faire campagne plutôt qu’à soutenir le mouvement, calmera les syndicats déjà hésitants, et coupera au mouvement les raisons de sa propre existence : le plan d’austérité, qui sera mis en pause le temps du scrutin. Macron perd toutes ses élections depuis 2022, il n’a pas de majorité et sait qu’il n’en aura pas davantage à l’avenir. S’il dissout l’Assemblée, son objectif sera clairement de permettre à l’extrême droite de gouverner à ses côtés pour terminer un mandat de manière encore plus brutale : vers la guerre et l’autoritarisme.
Revenons un peu en arrière pour se rafraîchir la mémoire et y voir clair. Au début du mois de juin 2024, Macron créait un chaos politique inattendu : juste avant l’été, au soir d’élections européennes qui avaient vu triompher l’extrême droite, il prononçait une dissolution de l’Assemblée Nationale. En urgence, il convoquait ainsi des élections cruciales dans un laps de temps extrêmement court, à la veille des vacances estivales.
Macron avait déjà pour objectif de permettre une victoire de l’extrême droite. Absolument toutes les conditions étaient réunies : le RN était plus haut que jamais, renforcé par son score aux Européennes, la gauche divisée et défaite, le camp macroniste détesté, les médias en ordre de bataille pour faire campagne en faveur de l’extrême droite et contre la gauche. Tout était prêt, jamais la situation n’avait été aussi favorable au RN.
Le 14 juin 2024, Le Monde révélait cet échange de Macron avec un «grand patron, familier de l’Élysée» qui lui avait demandé à propos de la dissolution : «Pas trop dures, ces journées ?» Réponse de Macron, amusé : «Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent…»
En juillet, la presse révélait même l’existence de dîners secrets entre des macronistes et le Rassemblement National avant la dissolution et les élections, manifestement pour se préparer ensemble. L’organisateur de ces rencontres était Thierry Solère, un homme au cœur de la machine macroniste : proche d’Édouard Philippe, il était conseiller politique à l’Élysée. Il a organisé des repas en compagnie de Marine Le Pen, Jordan Bardella et des représentants du camp Macron pendant des semaines. Libération révélait que «la dernière fois que Jordan Bardella a été vu dans la rue où réside Thierry Solère remonte trois jours après la dissolution». Les macronistes et les fascistes préparaient ensemble la transition vers une coalition néofasciste à l’issue des élections. Il est probable que des rencontres identiques ont lieu en ce moment même pour organiser une cohabitation.
Pendant les trois semaines de campagne législative, les macronistes avaient cogné de toutes leurs forces contre la gauche, accusée de tous les maux. Le président avait lui-même dénoncé «l’immigrationnisme» du Front Populaire, reprenant ainsi les mots et les idées de l’extrême droite. Et pour être sûr de bien clarifier les choses, Macron a fait savoir dans l’entre-deux tour dans la presse qu’il comptait nommer Bardella Premier Ministre, même sans majorité absolue du RN.
Édouard Philippe affirmait par exemple qu’«aucune voix ne doit se porter sur les candidats de la France insoumise» et répétait que la gauche était le vrai danger. Le Monde révélait que Darmanin aurait validé ces élections organisées en plein été : «Les blédards seront partis et ne voteront pas LFI». La manœuvre était claire : le camp présidentiel désirait une coalition allant du RN à Renaissance. Tout était prêt. Et les médias répétaient matin, midi et soir que le RN aurait une large majorité absolue, que les dés étaient jetés.
Contre toute attente, le 7 juillet 2024, la victoire du RN n’a pas eu lieu. C’est finalement l’alliance du Front Populaire qui était arrivée en tête. Une surprise pour Macron et les médias. Et d’un coup, tout s’est arrêté. Il n’était plus question d’urgence, plus question de nommer un Premier Ministre dans la foulée des élections, plus question d’un nouveau gouvernement. Non, Macron appelait à une «trêve olympique», qui a duré presque trois mois. Du jamais vu dans l’histoire de la Cinquième République : un président qui refusait de se soumettre au résultat d’élections qu’il avait lui-même convoquées. Le Nouvel Observateur rapportait même que, durant l’été, Macron avait reçu Nicolas Sarkozy et le milliardaire Bernard Arnault pour les consulter. Ce dernier aurait exigé : «Il faut à tout prix éviter un Premier ministre de gauche !»
En septembre, le président nommait finalement un Premier Ministre de droite radicale : Michel Barnier, avec des ministres issus du macronisme et de la droite. C’était un coup d’État institutionnel. Le Journal du Dimanche expliquait que «Macron et Le Pen ont orchestré en secret la nomination de Michel Barnier». Selon le journal, Le Pen avait validé son nom, estimant qu’il est «respectueux» à l’égard du RN, et Macron avait personnellement «décroché son téléphone et appelé directement Marine Le Pen», pour qu’un «accord soit scellé».
En décembre, Barnier tombait lors d’une motion de censure. Et Macron nommait un gouvernement encore plus à droite ! Bayrou Premier Ministre, désormais englué dans une affaire pédocriminelle gravissime, des ministres racistes comme Retailleau, Darmanin, Valls et un plan d’austérité massif.
Aujourd’hui, la propagande pro-RN bat toujours son plein. Les instituts de sondage, contrôlés par les mêmes milliardaires que les médias dominants, créditent le RN de 34% d’intentions de vote, et la France Insoumise de 12%. Comme l’an dernier, la classe médiatique est déjà en train d’organiser la victoire de l’extrême droite, de la présenter comme inéluctable.
Dans ce contexte, une éventuelle dissolution pourrait accélérer les choses. Si le scénario se confirmait, ce serait à nouveau le chaos politique, à nouveau une campagne ultra-violente contre la gauche et complaisante pour l’extrême droite, à nouveau de la politique sale et crasseuse.
Pour sortir de ce marasme, notre camp social devrait éviter une erreur majeure : se contenter de faire confiance au verdict des urnes. Le 10 septembre, il faudra donc, même en cas de dissolution, redoubler de détermination et viser non pas la démission de Bayrou, mais la chute de Macron, du macronisme, et dresser un nouvel horizon de justice sociale, de liberté et de paix.
Cela, aucun parti politique ne sera en mesure de le mettre en place : seul un mouvement massif, populaire, pluriel, durable, sera en capacité de conjurer le cauchemar désiré par la classe dirigeante.
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.