Est-ce que Laurent Nunez va bien ?


Après avoir porté plainte contre des députés qui avaient estimé que «la police tue», le Ministre de l’Intérieur veut poursuivre un humoriste


À gauche : Pierre-Emmanuel barré fait sa chronique à la radio.
À droite : Laurent Nunez, ministre de l'intérieur qui porte plainte contre le premier.

Le chroniqueur et humoriste Pierre-Emmanuel Barré se retrouve au cœur d’une nouvelle tempête médiatique et politique. Laurent Nunez, ministre de l’intérieur, a personnellement saisi la justice après une série de blagues faites sur les policiers sur Radio Nova. En effet, le plaisantin s’est permis de porter une critique acerbe et aiguisée de l’institution policière. C’est ce qui a sans doute déplu aux syndicats de police.

Sur Europe 1, la radio de Bolloré, le laquais Eliot Deval entouré d’intervenants tous alignés sur la même idéologie – un syndicaliste policer, un magistrat et un rédacteur en chef du Figaro – consacrait hier la première partie de son temps d’antenne pour dire à quel point les paroles de Barré étaient scandaleuses et intolérables vis-à-vis de la police.

Dans l’émission satirique du 9 novembre 2025 sur Radio Nova, l’humoriste a effectivement sorti les crocs : 5 minutes de punchlines coupées au cordeau contre les flics. Les fonctionnaires de police et de la gendarmerie en ont pris pour leur grade. Pour clôturer sa chronique, il lâche au micro : « Des viols, des mutilations, des meurtres, et des types qui se filment en train de faire tout ça en rigolant… En fait, la police et la gendarmerie, c’est Daech avec la sécurité de l’emploi ».

Un propos volontairement provocateur, mais qui s’appuie sur des faits. La chronique ne sort pas de nulle part et intervient après une série de révélations de violences policières dans les médias. Notamment le viol d’une jeune femme par deux fonctionnaires de police dans les geôles du tribunal de Bobigny, mais aussi la publication des vidéos des caméras piétons des gendarmes présents lors de la répression sanglante à Sainte-Soline le 23 mars 2023, se vantant entre autres d’éborgner les manifestants. Il y a de quoi être en colère…

Nunez, qui était aussi le secrétaire d’État du ministre l’intérieur Christophe Castaner lors de l’insurrection des gilets jaunes, et préfet de police de la préfecture de Paris juste avant d’être nommé place Beauvau, a jugé « inqualifiables » les propos de Pierre-Emmanuel Barré. Par contre, même face à des vidéos accablantes de crimes policiers, il refuse d’utiliser la simple expression «violence policière». Ce monsieur a des chocs à géométrie variable.

Plus tôt, cette même personne était invitée à commenter les images de Sainte-Soline sur France Inter, où il ne trouvait pourtant rien à redire aux comportements et multiples violences commises par ses militaires sur les écologistes. « Une riposte majoritairement proportionnée » selon lui : « Vous ne m’entendrez jamais reprendre ce terme de violence policière ». Circulez ! Il n’y a rien à voir.

Le 2 juin 2019 à propos de la répression des gilets jaunes, Laurent Nunez disait déjà : «Ce n’est pas parce qu’une main a été arrachée, parce qu’un œil a été éborgné que la violence est illégale»…. Ce qui est inqualifiable pour le premier flic de France, ce ne sont pas les actes barbares des forces de l’ordre, mais bien le fait qu’on ose critiquer ses hommes…

Et ce n’est pas un coup d’essai : les autorités tentent régulièrement de museler toute parole qui s’attaque aux violences systémiques de la police sur la population. Le 27 octobre, quatre élus de la France Insoumise ont dénoncé les violences policières à l’occasion de la date anniversaire de la mort de Zyed et Bouna. Pour avoir simplement dit que « la police tuait », le ministre de l’intérieur portait plainte. En octobre 2021, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur déposait plainte contre Philippe Poutou pour des propos «insultants» sur la police. Le militant du NPA avait affirmé sur France Info : « la police tue ». Faut-il rappeler au ministère de l’intérieur que 562 personnes sont mortes lors d’interventions de police en 20 ans ?

Barré est un habitué des punchlines qui font grincer des dents mais qui frappe juste. Il en a fait sa marque de fabrique. Son humour peut ne pas plaire à tout le monde, mais il faut avouer qu’il a l’art de viser dans le mille. Dans une nation où les milliardaires réactionnaires ont un quasi-monopole des médias de masse, et qu’un ministère de l’Intérieur se retrouve sous tutelle d’un syndicat policier d’extrême droite, difficile de ne pas déclencher de « polémique » dès qu’on parle des violences structurelles et du racisme dans la police.

Avec ses anciens acolytes purgés de France Inter, l’émission radiophonique intitulée « La dernière » sur Radio Nova mérite d’être écoutée… La bande de copains composée de Guillaume Maurice, Juliette Arnaud ou Aymeric Lompret portent un regard critique sur la société par le biais de l’humour et il faut le dire, « La dernière » est un succès. La recette est simple pour Nova : reprendre les meilleurs éléments évincés du service public et les laisser libre de faire ce qu’ils savent faire : être drôle et faire rire les gens. Tout en faisant réfléchir et en tabassant verbalement les riches et les fascistes. Au menu : humour caustique garanti.

Cependant, dans un climat aussi pourri, il ne fait pas bon être humoriste de gauche en France. S’attaquer aux puissants même sous forme de blagues est un exercice périlleux. C’est bien connu, les dominants manquent cruellement d’humour, et ne sont plus «Charlie» depuis longtemps. Heureusement, la direction de Radio Nova a défendu son humoriste et la liberté d’expression.

« Dans notre époque de trumpisme généralisé, il n’y a pas une parole sincère dans la bouche de nos dirigeants, pas une vérité dans les discours officiels, et les récits alternatifs pullulent » écrivait-on dans un précédent article. Dire la vérité est devenu prohibé tandis que ceux qui dirigent peuvent dérouler leurs éléments de langage et leurs mensonges en toute impunité.

Vous pouvez soutenir Pierre-Emmanuel et sa bande en allant écouter leurs sketchs sur Radio Nova. Diffusez leurs chroniques partout.

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