L’armée veut sacrifier nos enfants et demande aux maires d’organiser la propagande de guerre


On a longtemps surnommé l’armée française «la grande muette», car elle ne communiquait jamais auprès du public et commettait ses exactions cachée derrière le secret d’État. Ces derniers temps, l’armée a changé de méthode : elle ouvre beaucoup la gueule, et ça sent mauvais.


Fabien Mandon, chef d'état-major de l'armée, ouvre beaucoup trop la bouche pour dire des horreurs.

Lors du Congrès des Maires de France, qui a lieu tous les ans à la fin du mois de novembre et réunit 12.000 élus à Paris, le Chef d’État Major de l’Armée française est venu prononcer un discours sidérant. Celui qui dirige l’armée française, l’une des plus puissantes du monde, qui mène des opérations militaires permanentes loin de nos frontières, ne paie pas de mine. Il s’appelle Fabien Mandon, il est chétif sous sa casquette d’officier, et parle avec un sourire en coin pour annoncer des choses absolument terrifiantes.

Invité il y a quelques jours à l’Assemblée Nationale lors d’une commission de Défense, il expliquait tranquillement, avec un petit rictus, que l’armée française devait être «prête à un choc dans trois, quatre ans». Le boss de l’armée estime que «la France a un rôle de ‘leadership’ à jouer pour entraîner les autres pays européens». Notre pays, pointe avancée du militarisme sur le continent.

Devant les milliers de maires le 18 novembre, il a demandé aux élus municipaux de «préparer la population aux futurs conflits». Selon lui, les maires ont un rôle clé pour endoctriner la population et permettre à l’armée de recruter plus de chair à canon. Fabien Mandon l’a de nouveau répété : la guerre mondiale est pour 2030, et il faut se préparer. «Le portrait est très noir et je crois qu’il faut le dire» a-t-il ajouté avec gourmandise. Il promet une «guerre hybride», qui repose autant sur les militaires professionnels que la population. Ainsi, il veut multiplier le nombre de réservistes par deux pour atteindre les 80.000 personnes. Il a déclaré que «les maires ont un rôle fondamental» car le «meilleur relais» auprès des concitoyens sont les élus locaux. «J’ai besoin que vous partagiez cette vision. Elle va susciter des inquiétudes et des questions» a-t-il asséné. En effet.

Ainsi, les mairies doivent relayer la propagande de guerre, pousser leurs citoyens à s’engager dans l’armée, mais aussi «faciliter l’installation des militaires dans leurs communes» avec des places en crèche, à l’école, des logements… C’est-à-dire offrir des privilèges aux soldats par rapport au reste de la population. C’est une déclaration gravissime : le néolibéralisme a saccagé les services publics, prive de nombreuses personnes d’un logement digne, mais il faut promettre de bonnes conditions de vie à ceux qui iront faire la guerre. C’est une façon abjecte de troquer des conditions de vie décentes aux personnes issues des classes populaires qui ont été privées d’avenir, en échange de leur vie.

Mandon demande également aux maires de «permettre les entraînements et les grandes manœuvres». «Nous avons besoin d’espaces. S’il vous plaît, essayez d’avoir un regard positif sur ces action» : en effet, l’armée organise de plus en plus souvent des entraînements directement dans les villes. On peut voir des soldats armés jouer à la guerre civile dans les rues, devant des passants sidérés. Une façon d’habituer la population au pire. Pour Mandon, les maires sont aussi des «gardiens de mémoire» et il les invite à appuyer «les commémorations» militaristes.

Mais la déclaration la plus terrible de ce petit être assoiffé de sang est celle-ci : «Ce qu’il nous manque, c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour défendre la Nation. (…) Il faut accepter de perdre nos enfants, de souffrir économiquement».

Nos dirigeants veulent nous sacrifier, et ils le disent désormais régulièrement. Lors de son discours du 13 juillet dernier Macron parlait déjà, à propos de la jeunesse, «d’acceptation du sacrifice, jusqu’au sacrifice ultime», un mot qu’il avait déjà employé par le passé, comme s’il rêvait de sacrifier la jeunesse plutôt que de lui offrir un avenir désirable.

À la fin de l’été, le prédécesseur de Fabien Mandon, un certain Pierre Schill annonçait un nouveau «service militaire volontaire», et ne passait pas par quatre chemins : «J’ai besoin d’une masse importante, notamment compte tenu des risques de conflits plus importants». Une sorte d’armée de réserve de jeunes endoctrinés qu’on peut envoyer au front en cas de besoin, mais qui coûte moins cher que des soldats entretenus en permanence dans les casernes.

Fabien Mandon vient de l’armée de l’air, il a été aviateur chargé de larguer des bombes dans le cadre de guerres impérialistes de la France. Il expliquait dans une interview au Point : «En Afghanistan, j’ai tué. Et je sais qui j’ai tué. Des talibans. J’ai une âme de combattant». De 2012 à 2014, il commande une base nucléaire, avant d’être propulsé «chef d’état-major particulier» de Macron, qu’il côtoie depuis très fréquemment. À ce poste, il conseillait Macron sur la politique militaire à mener et était «chargé de mettre en œuvre le choix du président d’appuyer sur le bouton nucléaire».

Sa dernière déclaration devant les maires de France a choqué. Notre pays est le deuxième vendeur d’armes au monde, il envoie ses soldats professionnels mener des «opérations extérieures» en Afrique et un peu partout dans le monde, il soutient matériellement le génocide de Gaza, mais la population n’est pas encore prête à ce qu’on lui dise aussi crûment qu’on va envoyer ses enfants mourir au front. Même les politiciens les plus modérés se sont émus de ce discours martial, même si on aurait tout de même aimé entendre une vive protestation des maires de gauche.

Ce jeudi 20 novembre, pour rectifier le tir, le colonel Guillaume Vernet, porte-parole de l’état-major des armées, a pris la parole pour compléter les propos de son boss. Et plutôt que d’être rassurant, il a martelé à son tour : «Subir une guerre de haute intensité, ça veut dire envisager des pertes. Des pertes militaires, souffrir économiquement. (…) Un pays qui n’est pas prêt à comprendre ça est un pays faible». Ce vocabulaire de la force est scandaleux. Qui a donné mandat à ces militaire pour nous emmener vers la guerre ? Qui a voté pour la course vers le carnage ? Qui valide ces mots ?

En principe, le rôle d’un gouvernement est de tout mettre en place pour éviter la guerre, mettre en place des moyens diplomatiques et de désescalade pour protéger sa population, pas de la précipiter vers l’horreur. Ces discours irresponsables sur la force et la faiblesse, le sacrifice et les pertes, ce sont des discours quasiment identiques à ceux martelés avant 1914. Depuis, deux guerres mondiales, des dizaines de guerres civiles ou entre États, et la croissance phénoménale de la puissance de destruction des armées, avec l’invention de la bombe nucléaire, auraient dû nous prémunir à tout jamais de ce type de propos. Réveillons-nous.

Le colonel Vernet l’a encore rappelé : «Les forces armées ne sont rien si elles ne sont pas doublées de forces morales, au sein de nos populations». Autrement dit, l’armée a besoin de notre soutien et de notre consentement pour aller vers la guerre. Nous avons donc encore une marge de manœuvre. Pour éviter le pire, il faut de toute urgence discréditer l’image de l’armée, rappeler l’horreur que représentent les guerres, et empêcher la mise au pas de la population derrière les uniformes.

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