Décryptage d’un foutage de gueule médiatico-politique

Nous avons toutes et tous entendu l’expression «moine-soldat» à la rentrée. Souvenez-vous, c’était au moment de la fausse démission de Sébastien Lecornu, finalement renommé Premier ministre deux jours plus tard, et qui est toujours en poste grâce au soutien du Parti Socialiste. Au milieu de cette mise en scène écœurante, Lecornu a été vendu dans les médias comme un cœur pur et désintéressé, qui ne ferait qu’exercer une mission difficile sans y trouver le moindre intérêt.
Le 8 octobre en «prime time» sur France 2, il se présente comme un homme qui a «tout essayé» pour sauver le pays, confronté à des opposants sans pitié. Il déclare : «J’ai un côté moine-soldat». Il est relancé sur l’éventualité d’être renommé Premier ministre par Macron et répète «Je vous l’ai dit, je suis un moine-soldat». Ce brave homme ferait sacrifice de sa personne pour maintenir la France à flot et obtenir le vote un budget à l’Assemblée. Budget qui s’est avéré être l’un des plus violents plans d’austérité de l’histoire, doublé d’un bond militariste sans précédent.
Lecornu aime se décrire ainsi. Il y a dix ans déjà, dans une émission de France 3, alors qu’il était à la tête du département de l’Eure, il disait déjà «j’ai un côté moine-soldat». D’où vient cet élément de langage frelaté ? Dans l’histoire, le moine-soldat renvoie aux chevaliers des Templiers. Des combattants de la foi dont le nom d’origine est «milice des pauvres», vivant dans la misère et l’obéissance et se battant durant les guerres saintes. Cet imaginaire est un clin d’œil aux franges les plus réactionnaires : Lecornu est en effet un produit de la droite catholique – il dit d’ailleurs avoir «pensé à devenir moine» quand il était adolescent – et un obsédé du militarisme. Il a été volontaire au sein de la gendarmerie et organise la marche vers la guerre.
Mais dans la définition moderne, le «moine-soldat» ne renvoie plus vraiment aux croisades, il désigne une personne rigoureuse, austère, qui travaille beaucoup. Une personne engagée, incorruptible, se contentant de peu. Lecornu se dévouerait en étant Premier ministre, comme s’il s’agissait d’une mission sacrificielle. En tout cas, c’est le message qui a été martelé ces derniers mois.
Le journal L’Humanité vient de révéler un portrait très éloigné de cette image marketing. Cet été, Sébastien Lecornu a passé une semaine de vacances, tous frais payés, chez Xavier Niel. Le multimilliardaire peu scrupuleux, patron de Free, l’un des hommes les plus riches de France, par ailleurs actionnaire principal du Monde. Il a été reçu dans une villa paradisiaque au cap Ferret, lieu de villégiature de personnes fortunées. Qu’un chef de gouvernement soit invité en vacances par un grand patron pourrait être, en soi, considéré comme une forme de corruption. Mais nous sommes en France, et cette pratique est généralisée sans que ça ne choque personne. Le couple Macron assume publiquement être très «ami» avec l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault.
Selon L’Humanité, Lecornu fréquente «assidûment le richissime patron de Free» et «se serait même rendu au stand-up de Xavier Niel, en septembre 2024 à l’Olympia, alors qu’il était encore ministre des Armées». Un drôle de mélange des genres.
Durant l’été 2024, c’est dans une luxueuse villa de Saint-Tropez que Sébastien Lecornu a été reçu par le grand patron Jean-Christophe Kerdelhué, à la tête du groupe NW, actif dans le secteur de l’énergie. Cette villa de vacances hors du commune est ordinairement louée 200.000 euros en plein saison touristique. Pour Lecornu, c’était gratis, entre copains. Il était d’ailleurs avec Thierry Solère, un macroniste de la première heure, conseiller du président, et chargé de tisser des liens avec le RN. Selon l’article, toutes ces personnes seraient «amies».
Le Premier ministre chargé du budget et des politiques fiscales passe donc littéralement ses étés chez des milliardaires dans des conditions paradisiaques. Pas étonnant que le retour de l’ISF ne soit pas à l’ordre du jour. Mais si les moines-soldats, les vrais, ceux qui vivaient dans la pauvreté et mourraient pour le Pape pouvaient voir que des siècles plus tard, un freluquet se prélassant dans des hôtels particuliers de luxe et menant des politiques au service d’ultra-privilégiés se comparer à eux, ils seraient tentés de dégainer leurs épées…
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