Ce mercredi 9 mars, premier jour de lutte contre la « loi travail » était une journée incertaine à plus d’un titre. D’abord la mobilisation est née spontanément, et s’est répandue à travers les réseaux sociaux de façon autonome, les syndicats ont suivi et non impulsé le mouvement, ce qui est une première. Comment allait se transformer cette colère pour l’instant uniquement virtuelle ? Ensuite, c’était la première journée de contestation sérieuse contre un gouvernement socialiste après un mandat d’attaques sans véritable réaction. Enfin, les lycéens et les étudiants ne s’étaient pas véritablement mis en mouvement depuis plusieurs années. Qui aurait pu prévoir l’ampleur de la colère qui couvait jusqu’ici ? Car cette journée fut une réussite au-delà des attentes !
À Nantes, dès midi, plus de 400 étudiant-es se réunissent en Assemblée Générale. L’ambiance des échanges est tonique, l’amphi est comble. On vote rapidement la mobilisation pour le retrait total de la loi travail sans concession ni négociation. Les personnels de l’université apportent leur soutien au mouvement qui naît. Une autre Assemblée est convoquée dès le lendemain, jeudi, pour donner corps à la lutte qui commence.
Rejoint par des lycéen-ne-s, un cortège de 500 jeunes emprunte la voie de tram jusque dans le centre-ville. Pour certain-es, c’est la première manif. L’allure est rapide, des pochoirs sont peints sur les arrêts de transport en commun, quelques militants de l’UNEF et du MJS sont chahutés. En chemin, les locaux du MEDEF sont criblés de peinture, dans l’approbation quasi-générale. Arrivé Place du Bouffay, le cortège lycéen et étudiant prend la tête de la manifestation. La foule déborde largement de la place, il y a du monde, beaucoup de monde.
La manif s’élance. Nous sommes 30.000. En dehors des dernières manifestations anti-aéroport, c’est le plus gros défilé depuis 5 ans à Nantes ! Le rythme impulsé par le cortège de tête est très dynamique, on crie, on chante, les locaux du Parti Socialiste sont repeints en rose, une voiture de police aussi, des tags constellent le parcours. À l’arrière c’est parfois (beaucoup) plus calme, dans les rangs très fournis des cortèges syndicaux. La manifestation s’étend à présent sur plusieurs grandes artères du centre-ville. De retour sur la Place du Bouffay, l’énergie est encore trop vive pour s’arrêter : on continue jusqu’à la gare, comme un vieux réflexe, car pendant le mouvement anti-CPE, la gare de Nantes était fréquemment bloquée par les étudiant-es. Il s’agit aussi d’aller saluer la grève des cheminots. Mais aujourd’hui, c’est une compagnie de policiers armés qui attend devant le bâtiment. Les manifestant-es ont à peine le temps de s’approcher des entrées du hall que des grenades lacrymogènes sont tirées, parfois en tir tendu, vers le cortège. Une vitre de la gare tombe, quelques pavés répondent aux nombreuses grenades et aux tirs répétés de balles en caoutchouc. Un homme d’un âge mur a la tempe en sang, il ne comprend pas.
Plutôt que de s’enliser dans un affrontement face à des policiers survoltés, et alors que beaucoup ont envie de répondre à l’agression brutale des policiers, le cortège retourne pour prendre un apéritif Place du Bouffay. Quelques centaines de personnes occuperont la place, en musique, autour d’un feu, jusqu’à 19h.
Cinq personnes ont été interpellées, plusieurs autres – dont un enfant de 9 ans – blessées.
Malgré la répression, la forte mobilisation et le dynamisme de la manifestation ont surpris tout le monde. 30.000 personnes à Nantes pour une première journée de mobilisation, c’est tout simplement du jamais vu. Pourtant, les responsables socialistes n’ont pas l’air d’avoir compris le message, et les médias n’ont visiblement pas pris la mesure de ce qu’il se passe.
À nous de construire tous ensemble un mouvement qui fera reculer ceux qui nous gouvernent.
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