Le blocage des universités n’a pas été seulement un moyen de perturbation, une prise de possession. Il a été un préalable, le moyen pour les bloqueurs de s’organiser, d’ouvrir la porte à de nouvelles situations. Bloquer la fac pour aller bloquer ailleurs. Rapidement, libérés des tracasseries universitaires, étudiants et lycéens ont propagé leur désir que tout s’arrête. Au lieu de supplier les centrales syndicales de déclarer la grève générale, ils ont propagé sur les rails, les routes, dans les bureaux et les centres commerciaux la grève humaine. Ce qui est vrai pour les facs est aussi vrai ailleurs : sur une rocade, quand des milliers de conducteurs s’arrêtent, éteignent leur moteur, osent enfin sortir de leurs véhicules, pour discuter autour d’un feu de palettes ; dans un centre de tri quand le blocage des camions permet l’émergence d’une parole commune, vite muselée par l’intervention du GIPN. Toute cette société fait songer au Surmâle de Jarry : c’est un cadavre dont on ne pourra constater la mort que lorsque l’on aura arrêté la machine. C’est pourquoi monte de chacun de ses rouages le désir que tout s’arrête, et c’est pourquoi ses gestionnaires ne reculeront devant rien pour la faire tourner toujours.
Comité d’Occupation de la Sorbonne en Exil : https://lundi.am/Il-y-a-10-ans-le-CPE