Pour une mémoire des luttes
Via Nantes : le 31 mars, on garde la rue !
En mai 1968, des mouvements de révolte intenses secouent les usines et les universités dans tout le pays. À Nantes, l’université bouillonne depuis 1967 : des luttes importantes sont menées sur les questions du montant des bourses et de la mixité des dortoirs, et sont fortement réprimées par les CRS. Le mouvement ouvrier n’est pas en reste : depuis 1955, les ouvriers du département sont réputés pour leurs grèves fréquentes et très dures. En parallèle, les mouvements paysans se tournent progressivement vers un ancrage socialiste et intensifie ses combats.
Les évènements de mai-juin 1968 marquent un tournant : celui de la convergence des mouvements ouvriers, étudiants et paysans. Le 14 mai, l’usine Sud Aviation à Bouguenais est occupée, la première en France. Le soir même, des étudiants se pressent devant les grilles afin de discuter avec les ouvriers. La veille, les étudiants avaient fait le siège de la préfecture, cours des 50 otages, comme cela arrivait régulièrement lors des manifestations nantaises. Ils avaient obtenu satisfaction.
Le 24 mai, des dizaines de milliers de personnes se rassemblent dans le centre-ville de Nantes. Étudiants, ouvriers et paysans occupent la place Royale, rebaptisée “Place du Peuple”. Nantes est la seule ville en France où l’on peut voir des tracteurs défiler au côté des manifestants. La préfecture est attaquée, l’hôtel de ville envahi et occupé.
Les manifestants n’en restent pas là : un comité de grève composé d’ouvriers et de paysans décide de prendre en main l’approvisionnement de la ville depuis l’hôtel de ville occupé. Les jours qui suivent, le pouvoir s’est évaporé. La police ne quadrille plus les rues de Nantes. La CFDT du département appelle à poursuivre la remise en cause du capitalisme, du gaullisme, de l’exploitation de l’homme par l’homme. Le 28 mai, des comités provisoires sont créés afin d’assurer la gestion populaire des caisses de sécurité sociale et d’allocations familiales. Les quotidiens Ouest-France et Presse-Océan publient désormais sous le contrôle des journalistes et des ouvriers du livre.
Le 31 mai, un grand rassemblement se tient pour réclamer l’extension des attributions du comité de grève, non élu et toujours entre les mains de l’intersyndicale. L’évêque de Nantes se rallie à ces revendications. Cependant, la pression des bureaucraties nationales conduisent à voter de justesse la reprise du travail à partir du 4 juin, et à faire sombrer dans l’oubli la période que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Commune de Nantes.
Aujourd’hui, un régime à bout de souffle ne se cache même plus pour attaquer de plus en plus violemment les conquêtes sociales arrachées par ceux et celles qui ont lutté avant nous. Lorsqu’on s’oppose à cet état de fait, l’état d’urgence permanent et des centaines de policiers se chargent de faire taire les voix révoltées. La loi travail n’est que l’étincelle qui aura mis le feu aux poudres du désastre social, économique, écologique.
Et si on faisait tomber le gouvernement ?
Et si on remettait au goût du jour les luttes mémorables d’un passé pas si lointain ?
Et si, à partir du 31 mars, on décidait de faire revivre la Commune de Nantes ?