Nantes : le 3 mai, fais ce qu’il te plaît

Mardi 3 Mai, la «loi travail» commence à être examinée à l’Assemblée Nationale. Il est alors impensable pour des milliers de nantais, après 2 mois de lutte, de ne pas reprendre la rue. Et malgré l’intense répression policière qui a frappé la manifestation du 28 avril, malgré les calomnies médiatiques, malgré la désolidarisation publique de l’ensemble des syndicats, plus de 2000 jeunes se retrouvent dans les rues de la ville, sous un soleil de plomb. Le mouvement ne s’essouffle pas à Nantes !

Pourtant, avant même le début du défilé, la police avait multiplié les provocations. Les étudiants, partis de l’université en tramway pour rejoindre la manifestation après une Assemblée Générale, ont été littéralement pris en otage pendant 20 minutes sur le trajet. Leur rame de tramway est immobilisée par l’ensemble de la BAC de Nantes et deux compagnies de CRS, chaque passager du tram est contrôlé, fouillé, voire pris en photo, et tout le matériel défensif – sérum physiologique, boucliers, masques de ski – leur est volé. Un passager attrapé avec un lance-pierre est emmené à l’écart et frappé dans un camion de police avant d’être enfermé pour la journée. Ambiance.

Au même moment, des centaines de personnes se rassemblent sur la Place du Bouffay. Par rapport au défilé du premier Mai, le contraste est frappant. Alors qu’une marée de drapeaux, de chasubles et de cheveux blancs avait péniblement défilé sur quelques centaines de mètres deux jours plus tôt, c’est ici la jeunesse de Nantes, toujours aussi fougueuse, qui part eu manif. La plupart des manifestants ont désormais le réflexe de se protéger le visage. La tonalité de cette journée, après les 41 interpellations du 28 mars, est d’éviter la répression et de ne pas répondre aux provocations policières. Le cortège, toujours survolé par un hélicoptère, serpente donc dans les rues du centre, malgré un dispositif policier délirant bloquant la plupart des accès habituels. La BAC met un maximum de pression en collant littéralement le défilé, et en visant constamment et ostensiblement les manifestants avec son arsenal. Mais le cortège reste calme, compact et déterminé. Des tags constellent le parcours. Quelques vitrines tombent, dans une relative sérénité. D’autres vitrines de banques sont couvertes de peinture rouge.

«Nantes, Rennes, solidarité !» ou «Que fait la police, ça crève les yeux !» hurle un mégaphone, en référence à l’étudiant rennais mutilé par la police.

Quai de la Fosse, première tentative de déjouer le dispositif policier en remontant les rues qui mènent aux quartiers bourgeois. Une fois, puis deux, la manifestation doit refluer face à des rangées menaçantes. À l’évidence, la police veut créer l’affrontement, mais les manifestants veulent l’éviter. Trouver les failles et rester ensemble plutôt que se lancer dans une confrontation dangereuse pour tous. Retour vers Bouffay. Après un moment de flottement et des charges de la BAC qui arrête un manifestant et fait monter la tension d’un cran, le défilé emprunte la rue de la Marne. D’un seul coup, le cortège est coupé en deux par un nuage de gaz lacrymogène. Des feux d’artifice répondent aux grenades. Tout s’accélère. Alors que les manifestants refluent en courant vers la place du Pilori, un policier en casque et armure s’aventure, tout seul, hors du nuage lacrymogène et vient jeter une grenade de désencerclement sur des lycéens effrayés. Il est désormais à plus de cinquante mètres des lignes de policiers et continue à avancer. Tout seul. Surexcité, il se met à frapper à grands coups de matraque ceux qui ne fuient pas assez vite. Surréaliste. Que fait ce policier si loin des lignes ? Pourquoi vient-il frapper l’arrière d’un cortège qui reflue et alors que la manifestation est restée calme ?

La scène qui suit dure quelques secondes à peine mais elle fera les gros titres. L’imprudent, en gilet pare-balle et uniforme, reçoit un coup, en donne d’autres avec sa matraque, perd son casque, trébuche. Puis il ramasse plusieurs coups de poings. Des manifestants s’interposent pour calmer le jeu, mais déjà un épais nuage de gaz et divers projectiles en tir tendus précèdent un important dispositif policier qui charge. La manifestation se reconstitue dans la rue de Strasbourg, et repart.

Le soir, les médias parleront à l’unisson d’un policier agressé «à coups de barre de fer» alors qu’il sortait de son camion. À plusieurs reprises, le nom de Nantes Révoltée sera cité sur les chaînes de télévision, comme si une page d’informations sur les luttes avait un quelconque rapport avec les évènements. Tout faux.

Après un nouveau passage par la Place du Bouffay, des affrontements éclatent. Ils dureront jusqu’à 19h. Presque simultanément, des barricades sont érigées à Hôtel Dieu, la BAC doit fuir en courant sous les projectiles à Feydeau, le Cours Saint-Pierre est noyé par les gaz. La jeunesse veut tenir la rue, et elle y parvient. Des passants huent les charges dans les ruelles du centre historique. D’autres se moquent des tirs de grenades mal ajustés des CRS. Paradoxalement, une forme de sérénité se dégage de ces affrontements, alors que le soleil brille et que beaucoup boivent des bières en terrasse à quelques mètres des confrontations. Malgré les provocations policières, nous sommes bien loin des scènes de «guérilla» et de «sauvagerie» décrites par les forces de l’ordre et les médias.

La journée du 3 mai s’est donc divisée en deux temps : une manifestation importante, autonome et déterminée de la jeunesse qui a repris les rues, vaincu la peur, esquivé les dispositifs policiers et les intimidations, puis une séquence émeutière provoquée par les forces de l’ordre. Finalement, 13 personnes sont interpellées, et plusieurs autres blessées.

Ne nous laissons pas intimider. La lutte continue, jusqu’à la victoire !

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