Été 2016 : dans le tumulte des médias, vecteur d’indifférence, quelques nouvelles de France sous état d’urgence.
Loire-Atlantique : psychoses racistes et sécuritaires
Deux événement dans le pays nantais illustrent le climat qui règne dans une France sous état d’urgence :
Nantes, 28 juillet. Les banques du centre ville commencent à retirer les planches de bois qui les protégeaient durant les mois de révolte qui viennent de s’écouler. Deux jeunes gars de Cholet sont de passage à Nantes. Saouls, ils entrent dans le hall d’une banque, crient « Allah Akbar » et s’enfuient. Leur idée : « s’amuser » et « faire peur aux bourgeois ». Pas méchant. Mais la blague potache tourne au cauchemar quand ils se font arrêter par la police, omniprésente cet été en ville. Garde à vue, perquisition, comparution immédiate. Du délire. La banque est fermée pour la journée. Ils sont poursuivis pour « violence ». Leur cri aurait provoqué un « choc psychologique » au banquier. Remake de l’expulsion des marchands du Temple.
Quelque jours plus tard, à Chateaubriand. Comme tous les dimanches, c’est la messe dans l’église de la ville. Parmi les fidèles, un homme paraît trop bronzé aux yeux de certains croyants qui s’empressent d’appeler les gendarmes. Considéré comme « suspect », l’homme, franco-marocain est éjecté du lieu Saint. Manque de bol, il s’agissait d’un journaliste du quotidien local Ouest-France, venu « prendre le pouls de la communauté catholique » après l’attaque de Rouen. Les gendarmes se confondent rapidement en excuse mais l’événement reste révélateur.
Daesh contre la révolte
Après la tragédie de Nice, les pitres de l’État Islamique ont mis en ligne une nouvelle vidéo macabre. On peut notamment y entendre : « telle est la rétribution du peuple criminel qu’est le peuple français qui n’hésite pas à descendre dans la rue pour son ventre, pour son contrat de travail » de la bouche de deux assassins djihadistes qui s’apprêtent à égorger des otages.
Daesh relève à la fois d’une multinationale de la terreur et d’une franchise du crime, qui permet aux foules de ratés nihilistes produites par le désert néo-libéral de trouver une justification à leur existence, et par extension à leur suicide.
Par cette nouvelle opération de communication, l’État Islamique révèle qu’elle est aussi l’ennemie assumée des luttes en cours. Car son idéologie morbide, sa passion de la mort et de la force brutale, sa haine des femmes, ses exécutions mises en scène sur le même modèle que les émissions de télé-réalité occidentales ne peuvent fonctionner que dans un monde où l’on a aboli tout horizon politique désirable, toute résistance, toute complicité débordante, tout espoir.
Adama Traoré : crime, mensonge puis répression d’État
Non seulement Adama a trouvé la mort au commissariat de Beaumont-sur-Oise. Non seulement le défunt a été sali post-mortem par un procureur et des médecins légistes aux ordres, qui ont multiplié les mensonges, eux-mêmes repris complaisamment par les médias pour maquiller le crime. Non seulement l’État français a envoyé des gendarmes munis de fusils d’assauts contre la colère des jeunes de Beaumont-sur-Oise. Non seulement l’enquête sur la mort d’Adama, entachée d’irrégularités, de pièces manquantes et de mensonges, pulvérise des records d’obscénité.
Mais ce n’est pas tout : le gouvernement a franchi une étape supplémentaire en faisant interdire une marche réclamant « vérité et justice » pour Adama. Le défilé devait avoir lieu le 30 juillet. Il avait été déposé en préfecture par la famille du défunt.
Finalement, le cortège n’a pas pu partir du point de rendez-vous, les manifestant étant encagés par la police pendant des heures, en pleine chaleur. La préfecture avait changé d’avis. «On est nassés comme des animaux, c’est irrespirable» dira une manifestante. « Protection des institutions » expliquera le préfet pour justifier son interdiction.
Le mensonge et la matraque. La réponse qu’offre un gouvernement de gauche a une famille en deuil qui réclame justice. Cazeneuve l’avait promis, les interdictions de manifestations deviendront la norme.
Surveillance : Valls pire que Georges Bush
L’état d’urgence a donc été prolongé une nouvelle fois le 20 juillet. Mais les députés en ont profité pour modifier encore une fois le code de sécurité intérieure, en scred. Les services de renseignement pourront à présent avoir une surveillance totale sur les personnes « susceptible d’être en lien avec une menace ». Derrière cette formulation floue – on ne définit pas la notion de « lien » ni de « menace » – on donne la possibilité aux policiers de surveiller n’importe qui n’importe quand sans avoir de compte à rendre. « Je peux être mis sur écoute à la seule discrétion du gouvernement, sans contrôle et de manière individualisée, et cette écoute peut être démultipliée à tous les gens à qui j’ai serré la main. » explique le président de la LDH. Le Parti Socialiste va donc désormais plus loin que les néo-conservateurs américains les plus durs.
Malgré cette surenchère délirante, quelques jours après la prolongation de l’état d’urgence, un prêtre était égorgé durant son office à Saint-Étienne du Rouvray. Nouvelle démonstration que l’anti-terrorisme est un mode de gouvernement, et non un outil pour lutter contre d’éventuels attentats. Le socialistes Jean-Marie Le Guen déclarait dans la foulée que «critiquer l’État» est «contraire à la démocratie».
Toulouse : un autre mort dans un commissariat
Dans la nuit du 7 au 8 août, un homme de 60 ans a trouvé la mort dans la cellule de dégrisement d’un commissariat de Toulouse. Selon les premiers éléments, il souffrait d’une fracture du crâne et de fractures des côtes. Les enceintes des commissariats sont décidément des zones à fort taux de mortalité par les temps qui courent.