Nantes, mardi 24 octobre. Plus un seul tramway ou bus ne circule dans la ville. Les rues sont désertes. Les flux sont bloqués. La métropole est paralysée. Les salariés des transports en commun nantais ont acté une «journée blanche», une grève totale et spontanée mettant à l’arrêt l’ensemble du réseau. Impressionnant.
Pourquoi un blocage d’une telle ampleur ? Pour réclamer de meilleurs salaires ? Pour protester contre les ordonnances ? La baisse des APL ? La casse de la sécurité sociale ? Les politiques ultra-libérales et sécuritaires de Macron ? Les expulsions ?
Non, rien de tout ça. Les salariés de la TAN ne se préoccupent guère des droits sociaux et ne se mobilisent quasiment jamais – ou alors en très petite proportion – dans le cadre des mouvements sociaux. Cette grève totale et puissante a pour but de réclamer… plus de flics. Oui, plus de flics dans les transports.
Le quotidien Ouest-France, qui pour une fois, ne parle pas de «grogne» ou de «prise d’otage» pour qualifier cette mobilisation, semble même comprendre et appuyer les revendications des grévistes. Un article explique qu’il s’agit «d’une manière de faire entendre leur colère après les deux agressions sur des équipes de contrôleurs.» Le patron de la TAN exprime dans les mêmes colonnes sa «solidarité» avec les agents en grève. Il ajoute dans Presse-Océan : «les opérations de contrôle renforcés ne se feront qu’en présence de la police nationale».
Nous y voilà. Tout part finalement des contrôles des voyageurs par les équipes de la TAN. Le réseau de transport nantais est l’un des plus chers de France, avec des tickets à 1€60 l’unité. Chaque année, l’entreprise augmente drastiquement ses prix, laissant sur le carreau les précaires, étudiants et autres sans-argent qui n’ont pas les moyens de sacrifier plusieurs dizaines d’euros par mois pour se déplacer. C’est dans ce contexte que les contrôles de tickets se sont multipliés drastiquement. Par exemple, il n’est pas rare de voir des équipes de 20 contrôleurs encercler littéralement une rame de tramway, la prendre d’assaut, empêchant quiconque de sortir avant d’avoir présenté un titre de transport. Ces raids sont généralement organisés dans le quartier des facs et les quartiers populaires. Une façon de faire du chiffre là où les gens manquent de thunes. Et malheur à ceux qui n’ont pas de papiers. Pour eux, les agents de la TAN appellent directement la police et c’est la garde à vue voire l’enfermement en centre de rétention.
À ces pratiques humiliantes s’ajoutent ces dernières années une présence accrue de policiers armés dans les tramways, ainsi qu’aux abords des arrêts du centre-ville, et de l’implantation de près de 2000 caméras de surveillance dans l’ensemble des transports en communs de l’agglomération.
Bref, la question n’est pas celle du «manque de sécurité», Nantes étant déjà une ville où la police est omniprésente. Une compagnie de CRS supplémentaire a encore été affectée pour la surveillance des tramways en septembre 2017. La question est donc celle du prix des tickets. Les cas de «violences» dont se plaignent les agents de la TAN sont quasiment toujours liés à des contrôles et à des passagers qui tentent de s’enfuir, voire refusent de payer une lourde amende pour fraude.
Les mobilisations répétées pour réclamer encore plus de policiers dans les transports ne changeront donc rien à la situation et ne feront qu’attiser les tensions.
La gratuité des transports, en revanche, réglerait tous les problèmes d’un coup : plus de contrôles humiliants et coûteux, plus d’altercations entre fraudeurs et agents de la TAN, plus de dépenses sécuritaires.