La charpente d’une maison glisse au dessus des hautes herbes, dans les champs du bocage nantais. Elle traverse talus, fossés et marécages. Elle est soulevée par une marée humaine, qui se faufile entre les innombrables barrages de gendarmes qui assistent, impuissants, à distance, à l’ingéniosité de la ZAD.
Cette scène magique, comme sortie d’un dessin animé de Miyazaki, se déroule dimanche 15 avril. Une semaine après le début de l’assaut militaire sur la zone, plus de 10.000 personnes se sont données rendez-vous pour reconstruire. La foule est immense, alors même que de très nombreux gendarmes bloquent les accès qui mènent à la ZAD, et que des centaines de gens ont été refoulés par les check points.
Après avoir solennellement repris les bâtons plantés dans la terre de la ferme de Bellevue, deux ans auparavant, en promettant de revenir défendre la zone en cas d’attaque, la foule s’étire pour rallier une parcelle dont les habitations ont été détruites cette semaine. Pour reconstruire. Mais un énorme dispositif en armure empêche la progression collective. Après un long face à face, ponctué de percussions métalliques sur les taules des barricades, la future cabane passe finalement sous la forêt, à l’écart du champ, contournant les barrages. Un bûcheron ouvre les haies et guide le cortège, de plus en plus dense.
La suite de cette après-midi a le goût du gaz lacrymogène. A l’endroit du barrage de gendarmerie, des affrontements ont lieu pendant des heures. Très violents. Les détonations de grenades, de plus en plus rapprochées, font trembler les corps, et soulèvent des mottes de terre à plusieurs mètres de haut. Une charge massive avec le blindé est accompagnée d’un bombardement intensif des manifestants par des dizaines de grenades explosives envoyées en rafales, et des tirs de balles en caoutchouc, le tout dans une saturation totale de gaz. Nos reporters, pourtant habitués aux situations tendues, n’ont jamais vu un tel déchaînement. A cet instant, il paraît quasiment certain qu’un drame est en train de se produire, tant aux quatre coins du terrain on entend hurler, appeler des «médics», courir ou transporter des blessés ensanglantés, le visage hagard.
Pendant ce temps, dans le champ de la Wardine, l’imposante charpente d’une grange collective est édifiée. À la nuit tombée, après le départ des militaires, elle sera transportée vers le Gourbi qui avait été détruit à coup de bulldozer. Ils détruisent, on reconstruit.
Lundi matin, la gendarmerie lance une offensive pour anéantir immédiatement la charpente. À suivre.
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