L’opposition vue comme une bande rivale à anéantir
Deux articles, parus hier dans Le Monde, sont éclairants sur l’état d’esprit de la police et d’Alexandre Benalla au moment d’intervenir face à des manifestants. Une série de SMS du chef d’État major de la préfecture de Paris et l’interview de Benalla révèlent une même volonté d’anéantir les opposants dans la rue. Un même mépris pour la jeunesse mobilisée. Et même, une fierté d’aller casser des manifestants et de les dépouiller.
Dans ses textos adressés à Benalla, le chef d’État major de la préfecture, un ponte du maintien de l’ordre, s’adresse ainsi au conseiller de l’Élysée : «Bonjour Alexandre. Le premier mai verra se dérouler une manifestation importante. […] Comme jeudi dernier, il y aura des moments chauds entre l’extrême gauche et les forces de l’ordre. Je serai responsable de la journée. […] Je te propose de participer sur le terrain au service avec une des unités d’intervention […] Si c’est possible pour toi, je me charge de te trouver casque, masque à gaz et autres protections si tu veux. Bien à toi. Laurent».
Voilà comment un haut fonctionnaire de la police s’adresse à un proche du président : comme s’il lui proposait un jeu, avec la perspective de «moments chauds» contre l’extrême gauche. La veille du 1er mai, le même haut fonctionnaire va encore beaucoup plus loin, en évoquant ainsi l’expulsion des étudiants mobilisés dans une université parisienne :
«La fac de Censier [a été] évacuée en 35 mn ce matin à 04 h 30». «Record de Tolbiac battu et bon échauffement pour demain. On a pris une banderole de black bloc».
Voilà comment parle la police des mouvements sociaux. En se vantant de réprimer le plus vite et le plus fort possible, comme une performance sportive. Ce responsable de préfecture se félicite d’avoir expulsé plus efficacement que lors de la très violente expulsion de la fac de Tolbiac, survenue quelques jours avant, et qui avait défrayé la chronique. Il parle même d’un «échauffement» en vue de la grosse manifestation du lendemain. En se félicitant d’avoir volé une banderole, il imite l’attitude des hooligans face à des supporters adverses ! Un phénomène comparable a été vu à Nantes, où la police charge souvent juste pour arracher les banderoles des cortèges de jeunes. Comme pour «prendre un trophée» à l’adversaire.
Même état d’esprit du côté d’Alexandre Benalla, dans la longue interview accordée au Monde. En toute sérénité, alors qu’il est lourdement mis en cause, il qualifie la manifestante qu’il a violentée «d’hystérique et son copain aussi». Il continue en insultant ses victimes dans le plus grand quotidien français : «c’est des débiles les mecs en face, lui y compris». Concernant le fait de molester des manifestants, il explique : «c’est un citoyen qui interpelle un délinquant. Point à la ligne» avant d’ajouter que s’il devait le refaire «je referai la même chose».
Voilà la mentalité qui règne au sommet de l’État. Celle de mafieux de série B, à l’image d’un président qui appelle à venir “le chercher”, enivré par ses courtisans. Les manifestants sont vus comme une bande rivale qu’il est normal de violenter, de voler, d’expulser, d’humilier. Un haut fonctionnaire se vante après une expulsion. Un proche du président insulte les personnes qu’il a frappé. L’État français dévoile à l’occasion de l’affaire Benalla son côté clanique et son caractère fondamentalement mafieux.
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