Le bilan répressif de Nicole Klein
Les journaux l’annoncent, la préfète de Nantes, Nicole Klein, part à la retraite. Son départ sera effectif au mois de novembre. Le temps d’écraser les premières manifestations automnales ?
Nicole Klein est la préfète la plus médiatique que Nantes ait connu depuis longtemps. Elle a été encensée et mise sur le devant de la scène suite à l’attaque de Notre-Dame-des-Landes, au printemps dernier.
Par exemple, le quotidien Ouest-France, peu avare en compliments, la décrit aujourd’hui comme «audacieuse», «courageuse», «équilibriste», et même «femme de gauche». Mais c’est le journal Libération qui ira le plus loin dans la flatterie. Le 24 juillet dernier, le quotidien sortait une véritable publicité pour la préfète, qualifiée de femme «habile», «féministe», «à la voix douce». Plus loin,l’auteur précisait sans rire que la première policière de Nantes «préfère le poisson à la viande», mange de «la salade», et «aime faire le tri de ses déchets». Vous ne rêvez pas, ce portrait idyllique a bien été publié dans un grand journal national. Il faut dire que Nicole Klein mérite de chaleureuses félicitations des puissants. Pendant deux ans, elle a mis au pas la ville de Nantes et considérablement affaibli la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Retour sur un bilan sanglant.
Nicole Klein devient préfète de Loire-Atlantique au début de l’année 2017. Juste avant l’élection de Macron. Son bilan dans la vie réelle, localement, c’est d’abord une chasse sans relâche contre les étrangers. Avec une dizaine d’expulsions à Nantes en quelques mois. Un record.
En moins d’un an, un vaste mouvement de solidarité avec les réfugiés aura ouvert plusieurs bâtiments vides pour loger celles et ceux privés de toit. A chaque fois, Nicole Klein, et l’État dirigé par Macron, tenteront de détruire cette solidarité. En novembre 2017, l’école des Beaux Arts, désaffectée, est expulsée immédiatement par 300 CRS. Puis ce sont des locaux réquisitionnés à l’université, qui sont à nouveau délogés par un énorme dispositif policier. D’autres suivront : le lycée vide Leloup Bouhier, le bâtiment désaffecté Cap 44, et enfin le square Daviais, où des centaines d’exilés avaient plantés leurs tentes, faute de solution d’accueil humain. Plutôt que de répondre à l’urgence sociale, la préfète y lance deux opérations policières, au début de l’été 2018, et à la rentrée.
Nicole Klein est constamment présentée comme une préfète «mesurée». En moins de deux ans, son bilan est pourtant éloquent. Plus aucune manifestation n’est possible à Nantes sans un encadrement délirant par des policiers armés. À plusieurs reprises, les nantais on pu voir des défilés de quelques centaines de lycéens littéralement pris en étaux par un nombre supérieur de forces de l’ordre. Des syndicalistes sont arrêtés, tabassés, poursuivis sans ménagement. Il faut mater la contestation sociale dans une ville considérée comme agitée, alors que le gouvernement met en place un rouleur compresseur au service des riches.
C’est encore Nicole Klein qui gère l’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. 2500 militaires sont envoyés sur la zone, le plus gros déploiement répressif depuis mai 68. En quelques jours, plus de 13.000 grenades sont tirées. Des dizaines de lieux de vie détruits à coups de bulldozers. Un jeune a la main arrachée par une grenade. D’autres sont grièvement touchés. On saluera le sens de la mesure évoqué par les médias. Au début de l’été, la préfète justifiera sur BFM TV la violence des gendarmes, car ils avaient en face d’eux des «black blocs équipés de raquettes».
Pour finir, le bilan de Nicole Klein :
- Plus de 400 blessés sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, dont plusieurs mutilés.
- Des centaines de manifestants blessés à Nantes, dont au moins 300 rien qu’au printemps 2018. Parmi eux, deux ont perdu l’usage d’un œil.
- Deux hommes tués par la police. Le premier mort par asphyxie lors de son interpellation dans le centre-ville de Nantes en novembre 2017. L’autre tué d’une balle dans le cou par un CRS dans le quartier du Breil en juillet 2018. À cette occasion, la préfecture envoie les troupes dans les quartiers pour mater la révolte.
Bref, il s’agit d’un bilan énorme pour une ville de la taille de Nantes, sur un laps de temps si court. Des dizaines de vies marquées par les violences d’État. Des séquelles pour lesquelles Nicole Klein, en tant que première responsable de la police, porte une lourde responsabilité.
Des préjudices humains dont la préfète « de gauche » et « mesurée » n’aura jamais à répondre, à l’ombre d’une retraite dorée réservée aux hauts fonctionnaires de la République.