Mardi 2 et mercredi 3 octobre, une vingtaine de personnes étaient convoquées, par courrier, en vue d’une audition par les policiers de la sûreté territoriale de Paris pour des faits de participation à une manifestation violente le 1er mai 2018. Sur place et à la demande du procureur, tous ont été placés en garde à vue avant d’être relâchés (presque) sans poursuites. Un nouveau spin-off de l’affaire Benalla.
Parmi les personnes convoquées mardi 2 octobre : les deux jeunes qui avaient été molestés par M. Benalla et avaient reconnu avoir jeté une carafe d’eau sur les forces de l’ordre ce jour-là. Pour les quinze à vingt autres la situation est plus étonnante. Leur point commun à tous : avoir subi le 1er mai une interpellation en vue d’un contrôle d’identité du fait de leur présence sur ou aux abords de la place de la contrescarpe ou dans le jardin des plantes. Soit les deux lieux où M. Benalla a été surpris en train de jouer les policiers. N’ayant pas été inquiétés plus avant pas la police ce jour-là, on imagine qu’ils se sont présentés sereins et confiants devant les policiers. Ils avaient tort.
Arrivés à la sûreté territoriale et à la demande du procureur, ils ont tous été placés en garde à vue pour des motifs pas toujours en lien avec ceux stipulés sur leur convocation : participation à un attroupement malgré les sommations de se disperser, participation à un attroupement sans arme malgré les sommations de se disperser, entrave à la circulation et violence avec armes sur personne dépositaire de l’autorité publique. On retire les lacets, les ceintures et les lunettes, tout le monde en cellule.
Cependant, la teneur des interrogatoires permet rapidement d’éclaircir la situation et les enquêteurs ne dissimulent pas le rapport avec l’affaire Benalla. En effet, les policiers ne disposent d’absolument aucun élément permettant de poursuivre les gardés à vue, aucun témoignage policier, aucune photo, aucune vidéo. Les questions ne pouvant donc porter sur d’éventuels méfaits imputés,
elles sont d’ordre politique et contextuel : êtes vous membre d’un parti ? Comment avez-vous appris la tenue de cet apéro sur la place de la Contrescarpe ? Consultez vous le site Paris-luttes.info ? Vous êtes-vous retrouvés malgré vous dans un groupe de type « Black Bloc » ?
Après avoir été retenus une dizaine d’heures contre leur gré, les deux victimes de Benalla se retrouvent convoquées pour un futur procès. La vingtaine d’autres gardés à vue est relâchée presque sans poursuite. Presque car ceux qui ont refusé de se soumettre à un prélèvement ADN devront malgré tout en répondre devant tribunal. Le journaliste et photographe Alexis Kraland qui avait eu la mauvaise idée de venir en possession de son téléphone est aussi poursuivi pour avoir refusé d’en donner le code secret. Son téléphone a été saisi et placé sous scellé.
Comment expliquer cette très curieuse opération de police ? Pour le moment, on ne peut qu’émettre des hypothèses et souligner que les enquêteurs agissaient dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte le 31 juillet, quelques jours après que de nouvelles vidéos d’Alexandre Benalla au jardin des plantes ont été révélées dans la presse. Ce ne sont donc pas des juges qui ont commandité ces gardes à vue farfelues mais le parquet de Paris [1].
Rappelons que la défense de M. Benalla pour justifier de ses violences contre le couple de jeunes consiste à décrire une situation de grand chaos sur la place de la Contrescarpe et à plaider le devoir de tout bon citoyen d’aider des policiers en grande difficulté. Le parquet de Paris a peut-être voulu l’aider à reconstituer l’ambiance, quitte à détenir une vingtaine de personnes pour rien.
[1] Parquet qui avait surpris jusqu’aux syndicats de police lorsqu’il n’avait pas jugé utile d’enquêter sur la disparition du coffre contenant les armes de M. Benalla.